Bienvenue pour cette cinquième rediffusion des traductions des Waypoint Chronicles. Ces histoires courtes régulièrement partagées sur le site officiel Halo Waypoint ont été traduites en texte et en livre audio sous-titré par le WikiHalo. Notre précédente histoire était Une Aube sur Sanghelios.
Saturne dévorant un de ses fils s’inscrit dans la longue lignée d’histoires nous rappelant que si le Fossoyeur a été détruit dans Halo 3, la menace du Parasite reste bel et bien présente, non seulement sur l’Arche comme nous l’avons vu dans le DLC de Halo Wars 2, mais aussi dans la galaxie elle-même.
NOTES HISTORIQUES
Saturne dévorant un de ses fils prend place en 2556, un an après les événements de l’opération : FAR STORM dans Halo : Les Chasseurs dans l’ombre, durant lesquels l’assaut de 000 Tragic Solitude contre la Terre causa des dégâts massifs à la Home Fleet de l’UNSC.
Elvie n’était pas particulièrement impressionnant. Ce vaste habitat couvrait presque trente pourcent de la surface de LV-31, un planétoïde oblong pris dans la ceinture d’astéroïde d’une géante gazeuse tout à fait classique dans le système Marcey. Le nom de l’habitat était hérité de celui du planétoïde, mais son financement venait entièrement d’IMC. En effet, Elvie n’était autre qu’un énorme site d’entreprise pour Imbrium Machine Complex, une firme industrielle d’influence qui était entrée en partenariat avec BXR Mining Corporation pour mettre en place cette grande opération d’étude et de minage, afin d’extraire les ressources naturelles clés de la ceinture d’astéroïdes.
Après la guerre contre les Covenants, le Commandement spatial des Nations unies (UNSC) avait renforcé ces partenariats afin de reconstruire les très nombreuses pertes de leurs flottes.
Julien Donney avait rejoint IMC après une courte période dans l’armée. Comme de nombreux autres, on l’avait poussé à s’engager vers la fin du conflit, mais il était retourné à la vie civile après quatre ans de service. Il était plus simple pour sa conscience de servir le Géant vert quand le bien commun était en jeu, mais sans la terrible l’Alliance Covenante pour servir de cible unificatrice, Julien préférait une vie avec plus d’autonomie. IMC l’avait facilement recruté dans leur branche d’étude et sécurité, puisqu’il était déjà familier avec les processus industriels et les procédures militaires, ce qui en faisait un candidat idéal pour des projets potentiellement dangereux.
Elvie était devenu un foyer pour Julien, aussi éloigné de tout soit-il. Il appréciait ses voisins et sa routine, un équilibre vertueux entre danger, challenges et salaire. Sa nouvelle mission tombait également dans ces critères : participer à la sécurité renforcée d’une expédition pour récupérer une trouvaille particulièrement intéressante dans un des astéroïdes.
« Alors, qu’est-ce qui excite autant BXR ? » Julien ferma les dernières bobines de serrage et joints de transfert sur sa combinaison OSTEO avant de démarrer le kit de communication de son casque.
« Parait que c’est du lourd. Et alien, » répondit Abe, un vétéran de la branche hazmat d’IMC et l’actuel équipier de Julien. « On m’a dit qu’ils ont identifié un énorme dépôt de catégorie K pendant une étude du site 22 il y a trois jours. »
Julien se tourna vers Abe. « C’est Covenant ? »
Abe pencha la tête en arrière, une pose qu’il aimait prendre pour ponctuer ses déclarations les plus théâtrales. « Bien plus vieux. » Il laissa passer un moment. « C’est du très, très lourd. »
Julien inspira et fit un rapide calcul de tête. Ce « très, très lourd » ne pouvait signifier qu’une chose : de l’alliage forerunner raffiné, une trouvaille de taille pour IMC, et pour tous ceux qui aideraient à la sécuriser… Il détourna son attention de son futur gain de crédits quand leur chef d’équipe entra dans la pièce.
« Vous êtes boutonnés ? » Mox travaillait pour IMC depuis plus d’une décennie et préférait des préparations rapides et efficaces avant une excursion.
« Ils ont confirmé l’objectif ? » Julien était impatient, mais pas encore convaincu. Abe avait tendance à exagérer la nature des missions les plus prometteuses.
« Oh oui, c’est confirmé. » Mox se tourna vers l’écran tactile monté dans le mur pour préparer leur départ. « On m’a dit que quand ils ont largué les cent-vingts pour briser la gangue, ils ont trouvé encore plus que ce qu’ils pensaient. »
« Comment ça ? »
« Ce n’est pas juste un dépôt inerte. C’est un vaisseau entier. En tout cas, c’est ce qu’ils pensent actuellement. »
Julien comprit pourquoi IMC envoyaient plusieurs équipes hazmat sur site. S’ils avaient réellement trouvé un vaisseau alien antique prisonnier d’un astéroïde depuis Mathusalem, la technologie qu’il renfermait pouvait se réveiller et se lever du mauvais pied une fois qu’ils auraient percé la roche pour jouer les intrus.
L’équipe vérifia son équipement une dernière fois avant d’embarquer dans la navette Pélican marquée du logo d’IMC à destination du Site 22.
Silence.
Froid. Vide. Faim. Mur. Faim.
Temps. Silence. Faim.
Prisonnier.
Le Pélican tangua alors qu’il entamait sa descente. Julien n’aimait pas cette partie de la mission, mais il y était maintenant habitué. Et avec le dernier album d’Errant Vee tournant en boucle dans ses écouteurs, il était impossible de le mettre de mauvaise humeur.
« Dès que je reçois ma paie, je saute sur le premier long-courrier et je vais les voir en concert. »
Il restait vingt secondes à son morceau quand il fut coupé par la voix de Mox.
« Hé, la rockstar, on se prépare. Prends tes outils. »
Abe ricana. « C’est le nouveau Vee ? »
« Ouais. En boucle, mon gars. » Julien inspecta son pistolet Sidekick MK50 et sécurisa sa hachette tactique sur son plastron. Quelques instants plus tard, la baie de largage du Pélican s’ouvrit. L’équipe sortit de la navette. Ils étaient maintenant dans l’espace, leur champ de vision consistant en une infinité d’étoiles, l’atmosphère bleutée de la géante gazeuse et la surface brune de l’astéroïde.
Le site 22.
À sa surface, on pouvait voir les foreuses EM-120 installées par BXR pour percer la roche extérieure. Les cent-vingts étaient le meilleur ami du mineur, aussi bien capables de briser de grands segments de roche que de percer une voie dans des poches volatiles de matériaux denses. Les foreuses les plus éloignées de leur zone d’atterrissage continuaient de fonctionner, mais celles dans les cinq cents mètres autour d’eux avaient été éteintes.
Mox mena Julien et Abe jusqu’à un groupe de mineurs et ingénieurs de BXR rassemblés autour de l’entrée d’une petite caverne. Certains mineurs étaient occupés par la maintenance de leurs outils, mais d’autres semblaient attendre avec impatience l’arrivée de l’équipe hazmat d’IMC.
Le chef d’équipe de BXR confirma leur identité et leurs autorisations, et après avoir échangé les habituelles plaisanteries, Mox aborda le sujet de leur mission.
« Une idée de comment ce truc s’est retrouvé coincé là ? »
« Vous plaisantez ? » grogna le chef d’équipe. « J’ai jamais vu ça. C’est comme si Dieu avait décidé de peindre par-dessus avec de la roche. Honnêtement, je me fiche de savoir comment il est arrivé là, ce qui m’intéresse c’est de trouver comment le sortir. »
Le chef d’équipe se tourna vers la caverne. Julien connaissait bien la lueur qui éclairait son regard.
« Mes amis, on pourra tous prendre notre retraite après ça. »
« Vous êtes sûrs que c’est un vaisseau ? » demanda Julien.
« Les drones d’étude orbitale ont fait une douzaine de scans différents qui disent tous la même chose. C’est soit un vaisseau, soit une maison de vacances interstellaire. Quoi que ça puisse être, y’a aucun doute sur sa valeur. »
La conversation se tourna vers les protocoles et procédures, et Julien tourna son attention vers l’entrée de la caverne. Ce n’était bien sûr pas une formation naturelle, mais un trou circulaire aux indentations en spirale de plusieurs mètres de diamètre ouvert par les foreuses. Julien se laissa happer par une vague de curiosité unique et était impatient de s’approcher.
La voix d’Abe coupa court à sa rêverie. « C’est quoi le plan, Mox ? »
Julien vit son chef revenir vers eux avec le reste de l’équipe hazmat d’IMC.
« L’équipe de BXR va établir un périmètre et recalibrer l’équipement pour voir s’ils peuvent ouvrir cette boîte de conserve. » Mox assigna une position à chaque équipe avec son tacpad. « Lance, West, position un. Beck, Arti, position deux. Louisa, Oswald, position trois. Abe et Julien, position quatre. Comms ouvertes et restez vigilants. On frappe à cette porte dans cinq minutes. »
Son.
Lumière. Son. Faim. Mouvement.
Près. Plus près.
Cercueil. Faim. Son. Lumière. Libre.
Proie.
Tisse. Circuit. Commande. Ouvre.
Proie !
La teinte dynamique de la visière du casque de Julien s’activa alors que le point de lumière de la foreuse commençait à devenir inconfortable à regarder. Une heure s’était écoulée depuis que les employés de BXR avaient commencé à alterner foreuses à rayon et instruments à main, mais la seule chose qu’ils parvenaient à entamer était la patience de Julien.
Le chef d’équipe signala d’interrompre le forage pour permettre à l’équipement de refroidir et se recharger pendant qu’ils revoyaient leur approche.
Mox activa le canal de communications d’IMC. « Positions deux et quatre, vérifiez vos protections thermiques et voyez jusqu’à quel point vous pouvez vous approcher de la cible, capturez autant de données que possible sur ce machin. »
Beck confirma l’ordre et les quatre opérateurs se dirigèrent vers l’entrée de la caverne. La cible était une dizaine de mètres à l’intérieur, et la chaleur émise par les foreuses à rayon emplissait la caverne. Ils s’approchèrent à quelques mètres et commencèrent à scanner l’endroit pour récupérer toutes les données possibles.
Les courants de chaleur causaient peut-être une illusion d’optique, mais après quelques minutes Julien aurait juré avoir vu quelque chose d’étrange à la surface de l’alliage.
Comme s’il avait… ondulé. Comme un liquide, ou plutôt comme une peau métallique.
« Abe, tu vois ce que je vois ? » demanda Julien à son partenaire, qui se tenait étrangement silencieux. « Abe ? »
Julien se tourna vers son équipier et obtint confirmation. Le regard d’Abe était fixé au même endroit.
« Mais qu’est-ce que– »
Le compte-rendu professionnel d’Abe fut interrompu par un signal d’Arti sur le canal de communication. « Je le vois aussi, en sept positions sur l’alliage, attendez, neuf. Mox, il faut que tu viennes voir ça. »
Au moment où Mox se joignit à eux, la surface argentée de l’antique structure commença à se tordre, comme deux rideaux métalliques qu’on aurait ouverts. L’intérieur de la structure forerunner était maintenant visible par la nouvelle ouverture. Ils ignoraient tout de ce vaisseau, mais tous ne souhaitaient qu’une chose : y entrer.
Après quelques instants qui parurent une éternité, Mox donna ses ordres. « Positions un et trois, avec moi pour sécurisation initiale. Voyons voir ce que ce vaisseau nous réserve. »
Une boule de stress se forma dans le ventre de Julien. « Mox, t’es sûr ? On devrait pas attendre ? »
« Attendre qui ? Tu veux aller cafter à tes vieux potes de l’armée ? Tu veux plus ce gros chèque que tu attendais tant ? » Mox fixa Julien dans les yeux. « On fait comme d’habitude. C’est notre nature. »
UNSC Saturn
Derrière un conteneur de protection, la dernière des Peintures noires de l’artiste terrien Francisco Goya trônait dans la salle de préparatifs de la frégate de classe Paris UNSC Saturn. Le tableau représentait le dieu romain Saturne tenant le cadavre sanglant et partiellement dévoré d’un de ses enfants. Dans le mythe antique, Saturne était hanté par une prophétie qui voulait qu’il serait tué par un de ses fils, tout comme il l’avait fait avec son propre père, et il les dévorait donc à la naissance.
Les doigts spectraux du dieu, qui ressemblaient presque à des griffes, étaient refermés sur le petit corps dans ce qui semblait être une caverne obscure. Sa bouche était entrouverte et ses yeux fous et surpris, comme s’il avait été surpris dans cet acte grotesque.
« Je croyais qu’il les avalait tous ronds, » remarqua le lieutenant de vaisseau Shafiq.
Le capitaine de vaisseau Alvarez lui répondit sans se détourner du tableau. « Vous avez tout à fait raison, c’est ce que nous dit la mythologie… Cependant, Goya avait une perception différente de cet acte horrifique. Dans son interprétation, ils étaient dévorés morceau par morceau. Mais nous l’observons hors de son contexte d’origine, c’est-à-dire les troubles politiques de l’époque de Goya. La Révolution française, la guerre d’indépendance espagnole, l’Inquisition, de fascinants segments de l’histoire de la Terre qui ressemblent parfois à certains événements récents– »
Une alerte interrompit le monologue que le capitaine récitait à ses nouveaux officiers. Parler d’art était un bon moyen de démarrer une conversation, et leurs réponses lui permettaient de jauger leur manière de penser. Leur interprétation artistique spontanée reflétait leur capacité d’abstraction tactique.
« Nous pourrons continuer plus tard, lieutenant, » annonça Alvarez en lissant son uniforme avant de mener Shafiq au pont. Le prometteur lieutenant se rendit immédiatement à son poste pour analyser les données tactiques.
L’avatar de l’intelligence artificielle du Saturn les attendait à la table holographique centrale, à côté d’une projection de la surface de l’astéroïde. Lycaon prenait l’apparence d’un homme habillé d’une toge blanche et dorée, mais sa tête était celle d’un loup.
« Messages de détresses confus émanant du site 22, capitaine, » rapporta Lycaon. « Nous avons perdu le contact avec l’équipe locale. »
Grotte. Froid. Humide.
Tire. Proie. Cris. Faim.
Festin.
SITE 22
Julien avait perdu la capacité de discerner la réalité de la fiction, mais ce qu’il entendait était bien réel.
Des cris. Des cris vacillants, constants, gutturaux. Il n’était même plus sûr que ces cris venaient de bouches ou d’esprits, mais il s’en fichait.
Il tentait de recentrer ses pensées et de se souvenir.
Peu après que Mox et son groupe soient entré dans le vaisseau, leurs rapports étaient devenus inintelligibles, fragmentés et terrifiés. Beck et Arti avaient à peine mis le pied dans le vaisseau qu’ils avaient vu Mox courir vers eux.
Mais ce n’était pas Mox.
Ce n’était plus Mox.
Et ce n’était pas le seul.
Le chaos avait envahi le site 22, les mineurs et contractants civils tentèrent de se défendre contre ces ennemis inconcevables avec leurs outils. Julien avait utilisé son maigre entraînement militaire pour survivre aux premiers moments mortels de l’attaque.
Mais à chaque seconde qui passait, il se demandait s’il voulait réellement y survivre.
UNSC SATURN
« Mais qu’est-ce qu’il se passe ? » chuchota Alvarez. « Vous pouvez rendre ce message de détresse plus clair ? »
« Tentative en cours, capitaine. »
Le message était une soupe inaudible d’où émergeaient parfois des sons de tirs d’arme à feu et de voix hurlantes. Après trente-six secondes, seul restait le bruit blanc, comme des vagues s’écrasant sur une plage.
Alvarez se tourna vers la table holographique et fit afficher par Lycaon les images des caméras de sécurité du site 22. Les images de la base vide défilèrent jusqu’à ce que Lycaon s’arrête sur la caméra seize.
Celle-ci montrait une ouverture circulaire dans la roche creusée par une foreuse, la caverne où la découverte avait eu lieu. Lycaon avait demandé plus d’informations il y a deux heures, mais les équipes d’IMC avaient insisté pour prendre le temps de vérifier leurs informations.
« Je ne vois rien sur ces images, » dit Alvarez.
Lycaon agrandit l’image pour montrer une ombre aux contours irréguliers. Elle laissait une trace sombre derrière elle, et une autre forme était visible, palpitant comme un poisson hors de l’eau. Il fallut quelques instants pour que Lycaon améliore la résolution, et les deux formes avaient entretemps disparu du champ de vision de la caméra, mais ce qui y restait était clairement reconnaissable.
Un souffle traversa l’équipage lorsqu’ils virent l’image sur leurs écrans. Peu étaient ceux qui avaient vu ces monstres de leurs propres yeux, mais tous avaient entendu les rumeurs qui circulaient depuis des années dans la Navy.
Tous connaissaient le nom de ces créatures de cauchemar, tels les marins d’antan et le Kraken.
Les mineurs du site 22 étaient devenus la nourriture, étaient devenus eux-mêmes une créature immémoriale, un monstre dont l’arme était une attente millénaire.
« Le Parasite. »
« Les règles d’engagement dans une telle situation sont claires, capitaine, » annonça Lycaon. « Le protocole de contact d’urgence Upsilon doit être implémenté afin d’évacuer toutes les unités au sol et empêcher la propagation de la menace. »
« Évacuer ? » répéta Alvarez d’un ton incrédule. « Tout le personnel au sol est composé de mineurs non armés. Notre complément de troupes est parfaitement capable de s’occuper de cette infestation. Informez l’équipe Leviathan qu’elle sera déployée sous peu. »
Lycaon grogna. « Capitaine, je me dois de vous rappeler que si même un seul Spartan est compromis par le Parasite, l’usage de tirs de canon à accélération magnétique et de bombes à fusion sera autorisé pour stériliser la zone. »
« Recourir à ces mesures privera notre flotte des énormes dépôts de ressources nécessaires à sa reconstruction. La Home Fleet ne compte actuellement que quelques douzaines de vaisseaux alors que l’Amirauté demande qu’un groupe de combat entier soit assemblé, et ce sans même compter les pertes de matériel au sol et du site à proximité de LV-31. » Il se redressa d’un air autoritaire. « Préparez le déploiement. Je ne le répéterai pas. »
« Toutes mes excuses, capitaine », répondit Lycaon. « Mais dans le cas d’une éruption du Parasite, le protocole prend le pas sur votre autorité, en vertu du règlement de l’UNSC 14-372-01. Si vous veniez à contrevenir à la loi, je suis autorisé à vous relever de– »
Alvarez écarquilla les yeux et récita le code presque par instinct. « Code de contrôle : actiones secundum fidei. »
Lycaon s’interrompit. Son avatar holographique restait actif, mais immobile, comme s’il attendait une réponse à une question.
Alvarez fixa son regard sur chaque membre d’équipage du pont, qui s’étaient tournés vers lui, diverses expressions visibles sur leurs visages. Le capitaine se redressa avant de s’exprimer d’une voix claire. « Tous les postes en alerte. Déployez un groupe Hazop en soutien de Leviathan. Préparez l’établissement d’un périmètre défensif. »
Il passa un instant durant lequel aucun membre du pont ne réagit.
« Oui, capitaine, » répondit Shafiq, avant de se tourner vers l’écran de son poste. Les autres officiers firent de même.
Alvarez se laissa tomber sur sa chaise de commandant et posa son menton sur ses pouces. Il se remémora l’image du Parasite tirant sa victime sans défense dans la caverne. Il sentait les yeux de Saturne sur sa nuque, le fixant de ses yeux énormes, opalescents, reflétant son acte barbare.
Ils étaient dévorés morceau par morceau.
SITE 22
Julien était presque certain de ne pas encore être infecté, mais il sentait que ses souvenirs se brouillaient alors que les forces de l’UNSC approchaient du site 22, dans une formation rappelant celle utilisée pour des opérations derrière les lignes de front des Covenants.
Il pouvait distinguer un escadron d’exosquelettes Cyclopes et une unité de Hellbringers faisant de larges mouvements avec leurs lance-napalm, afin d’incinérer même les survivants et ainsi empêcher que l’ennemi ne puisse capturer des hôtes au-delà de leur périmètre de confinement.
L’importance de la trouvaille avait nécessité l’assignation au site 22 d’un contingent d’employés plus grand que la normale, ce qui avait donné au Parasite un plus grand choix d’hôtes à dévorer et exploiter pour se répandre rapidement avant que l’UNSC ne puisse répondre.
Si peu de temps s’était écoulé… mais la situation semblait déjà être perdue.
Le visage de Julien se tordit. Il n’avait plus de munitions dans son arme et avait dû utiliser un outil laser.
Les griffes froides du désarroi se plantèrent dans son corps alors qu’il regardait autour de lui.
Une fois l’outil laser à court de batterie, ses options de défense seraient très limitées.
Puis il les vit.
Les mythes. Les légendes.
Les Spartans.
L’UNSC avait déployé une équipe de quatre super-soldats augmentés chimiquement et cybernétiquement, les héros qui avaient mis fin à la guerre contre les Covenants. Des héros craints même de leurs plus grands ennemis.
L’importance de la situation du site 22 pesait à présent sur les épaules de Julien. Les Spartans n’étaient pas déployés dans des scénarios où de simples civils avaient la moindre chance de survie.
La bataille faisait rage, les protections thermiques de la combinaison de Julien approchaient fréquemment leur point de rupture face au torrent de flammes et de tirs déchaîné par les Hellbringers et les Cyclopes.
L’espace d’un instant, il crut qu’il avait une chance de survie. Qu’il pourrait se réveiller de ce cauchemar.
Mais le premier Spartan tomba.
Une vague parasite engloutit une des armes vivantes de l’UNSC et le soumit à une nouvelle forme d’augmentation. Il fut transformé en champion d’un mal ancien. L’armure Mjolnir du Spartan tenta d’engager des contre-mesures, pressurisant sa couche de gel hydrostatique pour l’immobiliser avant d’engager les microexplosifs de son casque. La visière du Spartan explosa, sa tête fut immolée… mais c’était peine perdue.
Julien voulait courir. Il voulait pleurer. Il voulait se cacher. Mais son corps de bougeait plus. Il était pétrifié par la vision d’un Spartan se retournant contre les siens.
Il ne pouvait pas arracher son regard de l’horrible spectacle d’un gardien qui détruisait ce qu’il avait protégé.
Puis le monstre se tourna vers lui, et Julien sut qu’il ne toucherait jamais sa paie.
Déchirer. Griffer. Frapper. Creuser. Briser. Trancher.
Torse. Vertèbres. Nid. Dévorer.
enlevez-moi-ça-enlevez-moi-ça
Soyez. Soyez.
Soyez!
UNSC SATURN
Le capitaine Alvarez fixait intensément la scène qui se déroulait sous ses yeux sur la table holographique et sur tous les écrans tactiques.
L’horreur. Le déni. Ces deux émotions le paralysaient.
Comment était-ce possible ? L’infestation de quelques mineurs non armés avait dégénérée en une éruption qui menaçait maintenant de tous les engloutir. Quand le Parasite avait consumé tout ce dont il avait besoin au sol, il dirigerait fatalement son appétit infini vers le vaisseau pour se déchaîner sur les étoiles.
Ce serait alors fin de partie pour l’humanité, et pour toute autre forme de vie.
Et tout serait de sa faute. Le nom du capitaine de vaisseau Pedro Alvarez serait gravé dans une histoire jamais racontée comme celui de l’homme qui avait provoqué l’infection de la galaxie entière. Sur un hypothétique portrait fait à son image, il aurait la place de Saturne…
Pendant si longtemps, ils avaient perçu les Spartans comme des symboles d’espoir, invincibles et capables de retourner n’importe quelle situation, même les plus désespérées. Il n’aurait jamais imaginé que ces héros de l’humanité puissent être consumés et retournés contre eux par le Parasite.
Il n’y avait plus le choix. Lycaon avait raison. La situation à la surface du site 22 était maintenant bien plus grave que les perspectives de reconstruction de la flotte de l’UNSC.
Il ouvrit un canal public et l’équipage du pont, sueur au front, se tourna vers lui. « Ici le capitaine Alvarez de l’UNSC Saturn. Je déclare les protocoles CORRUPTER et UPSILON. Tout le personnel au sol dispose de sept minutes pour quitter le site 22 avant que le Saturn ne soit en position… pour utiliser son arsenal de missiles nucléaires de classe Shiva. »
Alvarez évitait de regarder Lycaon, qui était inactif depuis que le capitaine avait utilisé le code pour le neutraliser et l’empêcher d’usurper son autorité.
« Que Dieu soit avec vous. »
SITE 22
Julien voyait maintenant le monde sous un jour nouveau.
Ou plutôt, pas Julien lui-même.
Quelque chose… de différent. Quelque chose de plus.
Son esprit tentait de se libérer et de comprendre. Mais il embrassait également cette opportunité d’en voir plus.
L’unité.
Un don qu’il voulait maintenant partager avec d’autres. Il parcourait la surface de l’astéroïde, cherchant frénétiquement parmi les os et les corps, à la recherche de quelqu’un d’autre qu’il pourrait joindre à son nouvel esprit.
Ah ! En voilà un !
Abe…
Dévorer.
Déluge.
Unité.
Paix.
Nous avons faim. Nous trouvons. Nous enveloppons.
Recherche. Traque.
Encore.
Son horizon s’éclairait à mesure qu’il ouvrait l’esprit de son ami.
UNSC SATURN
Le capitaine Alvarez inspectait depuis le pont ce qui restait du site 22, maintenant un océan de flammes. Seuls quelques vaisseaux de largage étaient parvenus à revenir. Le reste… peut-être la détonation des Shivas serait-elle un acte de bonté comparé à la transformation qu’ils avaient subi.
Tout ce qu’il voulait à présent était de regagner ses quartiers et ouvrir la bouteille de Titan Smoke qu’il gardait pour sa retraite. Ce ne serait pas un moment de célébration comme il l’avait imaginé, mais de réalisation que les dernières années de sa carrière seraient entachées par un impardonnable échec. Les images de sa cour martiale à venir défilaient déjà dans son imagination.
Lycaon restait inerte. Lorsqu’Alvarez avait utilisé le code pour l’empêcher de saper son autorité, il l’avait placé dans une sorte de stase. Les techniciens sauraient certainement restaurer toutes ses fonctions.
Des milliers d’options traversaient son esprit à toute vitesse. Il pouvait ordonner la dispensation finale de Lycaon et ordonner à l’équipage de le suivre pour se perdre dans les étoiles, ou faire face aux conséquences légales de ses actions.
« Lieutenant, » appela Alvarez. « Je vous laisse en charge. Je serai dans mes quartiers. »
« Bien, capitaine. »
Il voulait ouvrir cette bouteille, et peut-être trouverait-il sa décision finale au fond de celle-ci.
Bras. Arme. Tranchant. Couper. Faim. Soyez. PLUS.
arrêtez-ça-pitié-arrêtez-ça
Souvenirs. Entraînement. Faim.
Arme. Tirer. Genoux. Tomber. Dévorer.
sauvez-moi-pitié-ils-me-déchirent
Autres. Fuite. Partent.
Horizon. Tirer. Mort.
Un vaisseau. Condor.
Approcher. Aborder. Faim.
je-dois-l’arrêter-je-dois-l’arrêter-JE-DOIS-L’ARRÊTER
Courir. Trancher. Proie. Laisser. CONDOR.
JE-
Aborder.
DOIS-
Dévorer. Départ.
L’ARRÊTER-
Soyez.
La prochaine Waypoint Chronicle de cette rediffusion sera La Bataille pour la lune de sang.
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Sympa cette petite histoire, merci pour la transcription