Troy Denning est un auteur geek. Membre de TSR, il a participé à la conception de plusieurs éditions de Donjons & Dragons et écrit plus de 20 romans dans les univers légendaires de Dark Sun, Forgotten Realms et Planescape, ainsi qu’une dizaine d’autres dans l’univers de Star Wars. Il s’est ainsi assuré à de nombreuses reprises une place dans les listes du New York Times Best Sellers.
Une telle implication dans des univers aussi riches et complexes ne présageait que du bon lorsque 343 Industries annonça en décembre 2015 que l’iconique auteur se plongerait dans l’univers Halo avec Halo : Last Light. Et nos attentes n’ont pas été trahies.
Les critiques ci-dessous concernent des livres indisponibles en français. Elles ne comportent pas de révélations majeures, mais la critique de Retribution contient fatalement des informations sur la fin de Last Light. Si vous voulez préserver toute la surprise, sautez directement à la conclusion.
Informations commerciales
Ces informations sont publiées en date du 26/11/2017 et peuvent être amenées à évoluer avec le temps.
Dates de sortie : 15 septembre 2015 (Last Light), 29 août 2017 (Retribution)
Disponibilité : Neuf /Occasion
Site conseillé : Librairies / Amazon / Book Depository
Prix conseillé : 10 €
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Halo : Last Light s’ouvre sur un paragraphe qui introduit parfaitement les deux thèmes centraux du roman : un serial killer est en cavale durant une opération de l’UNSC sur une planète qui leur est politiquement hostile. Car Last Light est non seulement le premier roman Halo du genre policier, mais également le premier à mettre en scène la complexité de l’échiquer politique galactique avec autant de brio.
Tout au long du roman, l’UNSC, les factions du gouvernement de Gao, les rebelles de Venezia et la secte des Keepers of the One Freedom se manipulent, se jaugent et cherchent à tirer parti de la situation sur la planète. Les troupes de l’UNSC veulent éviter tout incident pour ne pas déclencher une nouvelle Insurrection et le ministre Casille veut mettre la main sur la présidence de Gao pour affirmer son indépendance vis-à-vis de la Terre. D’un autre côté, le chef brute Castor veut ajouter au prestige de sa secte la capture d’une antique auxilia forerunner, qui aurait pu faire office de traditionnel MacGuffin forerunner si elle n’était pas un personnage à part entière avec ses propres objectifs. Et pendant que les factions débattent et complotent, Veta Lopis cours après le meurtrier.
Lopis est le personnage central des histoires de Denning, une inspectrice de talent au passé traumatique et au sens de la justice aigu, qui n’hésite pas à défier l’autorité pour mettre la main sur ses cibles. Cette position place Lopis dans une position d’outsider unique : là où, comme dans la plupart des précédents romans, les autres personnages voient l’univers comme un jeu de factions, Lopis voit les individus, et a pour unique objectif de sauver des vies en arrêtant le criminel. Bon ou mauvais point pour le roman, chacun en jugera, mais la plupart des personnages sont caractérisés par rapport à Lopis. Son caractère se heurte régulièrement avec l’autre personnage favori de Denning : Frederic-104, qui forme avec l’inspectrice un duo central de rivaux se complétant très bien lorsque la situation l’exige. Le Spartan n’avait pas eu le devant de la scène depuis Halo : Les Fantômes d’Onyx, et, si il a droit à quelques bons passages, son personnage paraît souvent plat, surtout comparé aux Spartans-III. Les deux autres membres féminins de la Blue Team apparaissent aussi dans le roman, mais font plus figure de personnages secondaires (ce qui est un peu décevant pour leur grand retour sur papier).
Les situations du roman varient globalement entre trois types de scènes : des intrigues politiques, où l’on assiste à l’évolution des jeux de pouvoir des factions au gré des événements, des phases d’enquête, où technologie du XXVIe siècle et techniques légistes traditionnelles se croisent pour reconstituer une scène de crime, et les affrontements armés tels qu’on les connaît bien. Denning propose notamment une longue scène de siège urbain tactique, ainsi qu’une course-poursuite dans la jungle au rythme effréné, mais n’oublie pas de contextualiser ces batailles dans son puzzle narratif en nous éloignant de temps à autres du champ de bataille, pour voir comment une faction compte utiliser le combat à son avantage.
Comme on pouvait s’y attendre, Denning s’approprie très bien l’univers de Halo, qu’il s’agisse de son histoire, de ses factions ou de ses technologies. La profusion de détails va jusqu’à l’invention de nouveaux appareils et matériaux à peine cités, mais qui ne manqueront pas de résonner dans le cœur des fans de longue date comme une plongée dans la fiction d’une profondeur encore inédite. Comme pour confirmer qu’il prend son sujet très au sérieux, Denning fait apparaître des liens avec les éléments des précédents romans. Un passage de Halo : Dictata mortels sert de point de départ pour une des lignes de narration, et l’histoire des Spartans-III devient un élément central du roman lorsque ces soldats sont mis sous une considérable pression, que Denning a caractérisée à la fois dans des comportements liés à leur personnalité, et dans la description des environnements, souvent étouffants et lugubres. Last Light est globalement un roman assez sombre pour l’univers de Halo, et, un peu comme la Trilogie Forerunner, le triomphe final a un goût amer.
Le principal défaut de Last Light est probablement un certain manque d’équilibrage dans son triple genre policier-militaire-politique, avec le premier dominant la première moitié du roman avant de s’effacer au profit du deuxième. Dans la tradition des romans de l’ère 343 Industries, Last Light conclut en ouvrant de nombreuses voies à ses personnages : si Denning n’a pas hésité à tuer des personnages pour renforcer l’impact de ses scènes, il ne cache pas qu’il compte faire revenir ses protagonistes.
Un peu moins de deux ans après le premier roman, Denning rempile avec Halo : Retribution, une suite se déroulant six mois après Last Light. Entretemps, l’auteur a signé une nouvelle intitulée A Necessary Truth, inclue dans le recueil Halo : Fractures, mais qui fait plus office de mise en bouche que de réelle transition entre les deux romans.
Le roman s’ouvre sur une scène où Lopis et l’équipe de Spartans-III qu’elle commande désormais infiltrent un bar sur une planète rebelle. Le contexte ne tarde pas à être présenté : comme Last Light, il s’agit d’un meurtre, mais les implications sont cette fois bien plus complexes puisqu’il se double d’un triple enlèvement perpétré sur la famille d’un amiral de l’UNSC. Un affront que l’ONI compte laver en déployant ses meilleurs éléments.
La première partie du roman est consacré à suivre la piste qui se déroule devant les enquêteurs et est l’occasion pour Denning de déployer des scènes d’actions tôt dans le roman. Le rythme est un peu lent et on entrevoit se dessiner une énième intrigue basée sur un artéfact forerunner, avant que l’auteur ne la dynamite pour embrayer sur la deuxième partie, où la complexité qui sous-tend toute l’intrigue est déployée. Les pistes deviennent alors bien moins simples à suivre alors que le nombre d’acteurs impliqués se multiplie. À ce titre, Denning va recycler quelques éléments issus de Last Light, les combiner avec d’autres tirés de l’univers préétabli, mais surtout ajouter nombre de nouveautés, ce qui produit un mélange plutôt savoureux relevé par le fait que l’action n’est plus confinée sur une seule planète.
Lopis reste le personnage central du roman, et son nouveau travail pour l’UNSC ne fait qu’accentuer son caractère rebelle et son rôle d’outsider. En substance, le personnage ressemble ici à une version plus affirmée de Vaz, protagoniste de la trilogie Kilo-5 : là où l’ODST se laissait souvent écraser et réduire à l’inaction par la différence entre ses valeurs morales et la logique froide de ses supérieurs de l’ONI, Lopis poursuit inexorablement ses objectifs, quitte à prendre le risque calculé de se mettre temporairement à dos ses supérieurs. La place laissée aux Spartans-III est moindre que dans Last Light, mais c’est au profit des membres de la Blue Team, et notamment de Frederic qui reçoit un surplus de développement bienvenu. L’autre protagoniste d’importance, dont la nature doit être tue pour éviter toute révélation, est bien plus intéressant que dans le précédent roman, l’ampleur de ses ambitions se dévoilant petit à petit au fil de l’histoire.
Comme pour Last Light, Denning va user du point de vue de plusieurs personnages aux objectifs opposés pour constituer sa toile narrative, même si les rôles ressemblent beaucoup à ceux du précédent roman. Contrairement à celui-ci, l’équilibre entre les genres est néanmoins bien mieux réparti dans l’histoire, avec une impressionnante scène de déduction vers le milieu du roman et une bataille finale à perdre haleine. En d’autres termes, Retribution suit une structure générale assez similaire à celle de Last Light, mais possède assez de spécificités pour éviter la redite. Et comme précédemment, la résolution de l’histoire ne met pas fin à celles de chaque personnage, laissant de nouveau une ouverture pour une suite.
En ce qui concerne la présentation, il convient de préciser que, depuis la fin du partenariat de 343 Industries avec Tor Books en 2014, tous les livres en anglais possèdent deux éditeurs différents selon la région. Dans le cas des romans, le premier est Gallery Books, une division de Simon & Schuster qui s’occupe de la distribution aux États-Unis, et le second est Titan Books, basé au Royaume-Uni. De manière générale, les versions de Titan Books sont un poil plus petites que celles de Gallery Books (19,8 par 13 cm contre 20,9 par 13,7). De fait, le texte des versions britanniques est plus condensé. Le papier de Gallery Books est également plus clair (à droite sur l’image ci-contre), pour un grammage un peu plus fin et donc un livre plus souple. Chacun choisira ici en fonction de ses préférences de lecture, et ceux qui s’en fichent peuvent toujours trouver des versions numériques.
Pour la couverture, il s’agit d’un carton souple avec un revêtement mat agréable, et un titre brillant sur la première de couverture et la tranche. Les versions de Titan Books ont un titre de couverture embossé, mais ce n’est pas le cas sur les versions de Gallery Books. Les illustrations de couverture, affichées dans leur version complète plus haut dans l’article, sont de Kory Lynn Hubbell pour Last Light et Benjamin Carré pour Retribution. Bien que toutes les deux très classiques dans leur composition, celle de Last Light a pour avantage d’offrir un véritable aperçu des environnements et des protagonistes de l’histoire, ce qui est beaucoup moins vrai pour Retribution.
Au final, le diptyque de Troy Denning semble s’imposer comme l’exemple-type du bon roman Halo de l’ère 343 Industries : une patte narrative forte, l’exploration de thèmes encore inexploités dans la saga Halo, et les enjeux d’ampleur galactique qui font le sel des histoires de notre univers.
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