Nakira Posté(e) 10 mars 2014 Signaler Share Posté(e) 10 mars 2014 Voici une Fanfiction sur Halo orientée du côté civil de l'action. Elle n'est pas terminée, j'espère pouvoir vous présenter une suite bientôt, il faut juste que je me remotive à l'écrire. 9 chapitres sont écrits pour le moment, voici le début (la suite viendra plus tard). Sommaire : → Prologue → Chapitre 1 : Hope → Chapitre 2 : L'ISSD → Chapitre 3 : Désepéré → Quête du sens : Lucidité, Cohérence. → Chapitre 4 : Inconnu → Chapitre 5 : RegardsEmily[/ancre] Prologue Emily. Vingt deux ans. Actrice. Elle vit sans limites, dans un monde en paix, sur Madrigal. Ses films passionnent, elle est magnifique, joue ses rôles à la perfection et est devenue l'une des meilleures actrices de ce monde humain. Elle vit pourtant simplement, comme une jeune. Du moins elle le voudrait. L'anonymat est impossible à garder et elle a du s'y faire. C'est une femme remplit de bonne volonté et prête à tout pour ses amis. Pour son petit ami. Mais malgré tout, elle vit bien et est heureuse. Un jour sa mère meure. Elle se met à déprimer sévèrement et cherche la main qui viendrait la sauver. Une bulle dans laquelle elle pourrait s'enfermer. Néanmoins la réalité la rattrape. Tout le temps. La vie d'Emily m'a toujours passionné. Même si aujourd'hui elle est morte, la faute aux Covenants, elle restera toujours un mystère pour moi. Une boite à mystère qui m'a effleuré l'esprit et m'a attiré si bien que j'en suis tombé… Comment dire ? Amoureux ? Non c'était plus fort que ça. Bref, j'avais besoin d'écrire ceci, pour moi, pour elle, pour tous ceux qui se souviennent de ce qu'elle était. Je me dois de raconter sa vie, qui fut la mienne un temps, car j'en suis tout simplement empreint, jusqu'au plus profond de moi-même. Rien ni personne n'aurait pu échapper à ce destin impitoyable. J'ai survécu, pas elle. C'est comme ça. … C'est sa vie. Beaucoup se demanderont certainement pourquoi j'écris ces lignes. Pourquoi je raconte cette histoire. Et aussi, pourquoi maintenant. Le suicide d'Emily sera toujours un sujet d'obsession pour tout le monde. Pourquoi cette jeune femme qui avait tout pour elle dans ce monde si bien entretenu avait elle eu besoin de faire un acte aussi abominable que de mettre fin à ses jours ? Je me devait de vous apporter les réponses à cette question. Pour son anniversaire fétiche, aujourd'hui, je me dois de vous raconter son histoire. Revenons donc 30 ans en arrière, en 2524. Le jour de le mort officielle de sa mère. Emily était connue surtout pour ce qu'elle faisait. A vrai dire, personne ne la connaissait vraiment. Elle était plutôt secrète et discrète sur sa vie. Mais elle était une jeune femme d'une beauté à en mourir, et en faisait craquer plus d'un. Régulièrement, elle recevait des masses de lettres et de mails de déclaration d'amour. Elle se flattait elle-même mais ne s'en vantait pas. Généralement, elle répondait à tout ses fans d'un coup en leur répondant un « Merci » groupé. Elle savait que ça faisait plaisir. Mais ce jour là, elle ouvrit un mail trop spécial pour être une farce. D'une part il l'anéantit, et d'autre part, il la conduisit à sa perte prochaine. Le mail venait d'un expéditeur inconnu. Même si ce n'était que des mots inscrits sur un écran, on pouvait ressentir le ton froid et monocorde de l'annonceur de ce drame. Un drame impensable. Trop invraisemblable. Cela ne pouvait pas lui arriver. Pas a elle… « Nous avons perdu le contact avec Harverst. Votre mère est morte. Vous devez prendre sa place ». Les mots étaient durs et résonnaient dans la tête de la jeune femme. « Votre mère est morte ». Rien ne l'y avait préparé. Son premier réflexe fut de resserrer ses poings, la haine d'une telle injustice très certainement. Elle avait fermé les yeux, ne voulant plus voir une seule fois cette ligne. Elle n'y croyait pas. C'était impossible. Et puis, quelles étaient les preuves de cette mort ? Aucune. Mais pourtant, quelque chose au fond d'elle même criait, remuait, pleurait, gigotait dans tout les sens. Il est très difficile de décrire ce qui se déroulait dans le corps d'Emily. C'était comme si une scie circulaire lui déchiquetait le cœur. Elle savait que sa mère était morte : c'était un fait. Emily tentait de repousser la dure réalité de ce message, mais en vain. Elle glissa de sa chaise, raide, anéantie et tapa du poing la moquette de sa chambre. Tout cela ne pouvait être vrai. Une fois de plus elle essaya d'ignorer la nouvelle. Une nouvelle fois elle échoua. Dans sa tête, toutes les pensées se chamboulaient. Comment allait elle pouvoir faire maintenant pour continuer à jouer dans des films ? Comment allait elle pouvoir vivre encore plus longtemps sans sa protectrice de tous les temps ? Que fallait t-il qu'elle fasse ? Aucune de ces question n'avait de réponse, elle était trop perturbée, trop atteinte. Sa mère l'avait toujours soutenue, était toujours à ses côtés quand il le fallait vraiment, même si c'était rare. Se dire qu'elle ne serait plus jamais là constituait pour Emily la pire des choses qu'elle aurait pu imaginer. Et c'était arrivé. Sa mère est morte. Entre deux sanglots, elle se rappela la dernière phrase du message. Elle se releva péniblement et regarda uniquement la dernière partie, en prenant bien soin de cacher le début avec sa main gauche. Des larmes coulaient le long de ses joues de poupée et ses yeux étaient si humides qu'elle ne voyait rien de ce qui se passait devant ses yeux. D'un geste de la main elle les essuya. « Vous devez prendre sa place ». Emily n'avait aucune idée de ce que sa mère faisait. C'était une chose à laquelle elles n'avaient jamais voulu parler entre elles. Avant même de se rendre compte de ce qui se passait réellement, la Belle se plongea dans une intense réflexion. Recroquevillée sur son siège, elle se demandait ce que faisait sa mère. Un moyen comme un autre de fuir la réalité. Que pouvait t-elle bien faire de si important sur Harvest qui nécessite son remplacement par sa fille ? Pourquoi sa mère ne lui avait jamais parlé de son travail ? Qu'est ce que cela cachait ? Elle ne voulait pas décevoir sa mère et pensait accepter, mais elle se sentit tout à coup désabusée. Mise à l'écart de sa vie familiale. Rien ne l'avait préparée au fait d'être reniée par sa mère de cette façon. Et elle héritait de tout, comme ça, alors qu'elle venait à peine d'ouvrir les yeux devant le fait qu'elle ne connaissait rien de feu sa mère. Elle se leva silencieusement devant ce constat et se dirigea vers sa chambre. Au moment où son ordinateur s'éteint, elle reçu un mail. Un autre. Plus profond, plus vrai. Un cadeau de la providence. Mais elle n'en savait rien, car elle ne retenait plus ses larmes. Chapitre Premier : Hope J'habitais Hope, sur Madrigal. C'était une petite ville peu connue, mais assez bien située. On y vivait bien malgré les divers malfaiteurs et maîtres du crime qui y traînaient. Heureusement pour moi, je n'ai jamais eu de souci avec eux. A cette époque, j'allais au Lycée comme tout les gens de mon âge. Malgré un acerbe sentiment d'infériorité, j'avais de bons résultats, sans doute dû à un manque de compagnie. Le fait est que j'ai vite déchanté. Mes seuls amis me faisaient me sentir seul, isolé, loin de tout. Je me sentait anormal et exclu : de trop. Et cela pouvait se comprendre, vu mon passé tumultueux… En revanche, j'avais une qualité qui se répercute encore aujourd'hui : j'adorais écrire. J'écrivais de tout, des lettres, des poèmes, des petites histoires sans but précis. Parfois même j'écrivais ce que je ressentait sur le moment, et je lâchait la feuille dans le vent. En ce sens, j'étais un artiste. Bref, j'écrivais avant tout pour m'évader. Écrire n'était pas ma seule passion. En effet, j'avais un autre… centre d'intérêt. Une actrice que j'aimais beaucoup de part sa grandeur d'esprit et sa façon d'être. Ce que j'éprouvais pour cette femme était bien au delà de tout ce que vous pouvez vous imaginer actuellement. C'était un amour profond, sincère, compréhensif. Vraiment très intense. Décrire ça est extrêmement difficile pour moi. Je ne la connaissait pas réellement, c'était une image pour mon corps. Mais pour mon esprit, c'était bien plus que ça. Elle ne savait pas que j'existais. Elle ne savait pas qui j'étais, ni même n'avait conscience de mes sentiments pour elle. Mais parfois j'avais l'impression de lui parler, et qu'elle me répondais. Je la voyais partout où j'allais et je retrouvais une part d'elle dans chaque fille que je croisait. C'était intense, indescriptible. Comment décrieriez vous quelque chose qui vous emplit à la fois de bonheur et de désespoir ? Quelque chose qui anime vos journées, vous aide à marcher, vous maintient en vie et passionne vos rêves mais dont l'être solide n'est qu'à des centaines de milliers de kilomètres de là où vous vous trouvez ? Je ne pourrait pas trouver d'autre mot que l'amour, le vrai. On ne tombe amoureux qu'une fois. Pas de chance pour moi, c'est tombé sur elle. Ce sentiment vous encercle, vous enserre, finit par vous échapper et devient incontrôlable. Néanmoins chaque soir, j'avais l'espoir de le faire. D'avoir assez de courage pour lui offrir ce que je sais faire de mieux : lui écrire quelque chose. Soyons réaliste, il n'y avait aucune chance qu'elle y réponde si ce n'était pas original ou remplit de bonnes choses. Étant lucide la plupart du temps je me contentais de penser très fort à elle en espérant qu'elle pense à moi avant de m'endormir. Pathétique. Le 2 février au soir, j'ai appris qu'elle tournait un nouveau film en regardant une interview d'elle. Tout c'est déclenché : j'ai enfin eut ce qu'il me manquait jusqu'ici : de l'espoir. Et j'ai écrit ce texte avec tout mon cœur, toute mon âme. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour qu'elle s'intéresse à moi, un gosse de seize ans, puéril et aspirant à plus qu'il ne peut avoir. Somme toute, j'ai écrit ce message et le lui ai transmis via son adresse e-mail destiné aux fans. Avec pour titre « Je sais ». De tout mon cœur j'ai espéré qu'elle le lise, qu'elle le voit, qu'elle sache que j'existe. J'ai prié qu'elle me réponde. Durant une heure je me suis torturé sur ma chaise. A la fois content d'avoir pu enfin lui envoyer et à la fois terriblement accablé de remord et de honte. J'ai osé faire quelque chose de tout à fait inutile et irréfléchis. Mais c'est à ce moment que je reçu un message d'Emily. J'ai à la fois eu un saut de surprise, un tressaillement de joie, une once d'impatience et beaucoup d'appréhension. Avant même de l'avoir ouvert, je me voyais déjà lui parler en ami, se confier à elle, discuter… « Merci pour ton message. Emily <3 » … C'était un message groupé. Je me suis alors senti déçu, encore plus abandonné, dénué de toute joie de vivre. La raison l'emportant sur la rage, j'ai persévéré. J'ai amélioré le message, ai ajouté des morceaux de texte par endroit, puis l'ai renvoyé. *** Marcher seul dans la rue. Courir seul, penser seul. Divaguer. Penser à nouveau. S'enfoncer dans les méandres d'un esprit tourmenté. Que faire ? Que dire ? Marche seul dans la rue, cherche l'espoir. Cherche la providence. Trouve ce que tu veux, trouve ce à quoi tu penses. Enveloppe toi dans le velours de cette danse, qui te portera par delà les limites de l'esprit. Là où tu crois que tout est fini. Que tout à une fin. Après avoir marché des heures durant, te morfondant sur ton sort, sur ta vie. Tu ne pense qu'à ça : se poser près d'un ruisseau. Lever les pieds au ciel pour mieux voir le reflet de son être. Peut être comprendre ce que l'on est. Ce que l'on sera. Qui sait. Tu le fais. C'est tout. Essayer de dormir. Réessayer. Fermer les yeux. Les ouvrir. Regarder ses mains. Puis le ciel. S'accrocher à un rêve si lointain. Un rêve si beau, si doux. Si réel… S'élever dans les airs en se détachant de son corps. Sentir que l'on s'en va, que l'on s'extirpe de ce corps éteint. Et vide désormais. Puis tout s'effondre. Tu retombe dans cette enveloppe lourde et dure. Puis tu te demande. Encore. Encore… Qui suis-je ? Pourquoi toutes ces choses ? Pourquoi rien ne se passe comme prévu ? Pourquoi tout va de travers ? Pourquoi toutes ses questions ? Tu pars, tu t'en va. Ton esprit s'envole à nouveau. Il part loin, avec tes rêves. Ton regard est vide, tu ne sais plus. Mais ton esprit vague déjà à ses occupations. Il est déjà là bas. Même s'il n'est pas toi, tu es lui. Et le son de ton cœur qui bat se répercute en écho dans son enveloppe si légère. Puis soudain tu sens qu'il y a quelqu'un. Si proche. Tu retombes. La voix est douce. Elle est reconnaissable. Tu la connais. Tout ce qui l'entoure se cache. Sauf toi. Et ce poisson, gai, simple, élégant. Optimiste. Il te crie de t'accrocher à tes rêves. D'avancer. Alors tu te lèves. Tu t'avances vers elle. D'abord un regard, puis un mot, un son. La vie en un mot. « Toi ». L'espoir renaît, il est ravivé par la flamme intense qui coule au fond de l'abîme dans ton cœur. Tu le sens cogner contre ta poitrine. Ses yeux si profonds, ses mains si douces, sa bouche qui appelle, incommensurablement, la fin d'un grand vide qu'elle désire combler. Tu t'approche doucement, osant à peine y croire. Il n'est pas évident de définir le sentiment qui emplit tout ton corps à ce moment même, où il réfute la réalité pour s'agripper à un rêve intense. La distance qui vous sépare n'est pas grande, elle est même très courte, et se rétrécie petit à petit, dans cet espace clos. Tu vois cette rose blanche accrochée à ses cheveux. Elle la prend dans ses mains et te la tend. Tes pensées s'enchaînent à une telle vitesse que tu ne crois plus en rien. Tu fais un autre pas en avant. Un autre bond vers l'irréaliste. Tendant la main vers cette rose inespérée. La touchant du bout des doigts. Encore un pas. Tendre et doucereux. Entreprenant. Tu attrape la rose, et la regarde intensément durant une dizaine de secondes, attendant la fin de ce lieu onirique. Mais rien ne s'arrête. Tout continue. Alors tu lèves la tête et plonges ton regard dans le sien. Puis, scindant l'air, tu t'élances dans ses bras. La légèreté est de mise dans ce geste, tu tombes contre elle, tout près. Tu la sens contre toi, elle te chuchote ces mots si attendus à ton oreille, qui te font sourire, qui t'aident à tenir debout, et à surmonter tes envies, tes désirs. Car à cet instant, la seule chose qui t'intéresse, qui occupe toute la place dans ton esprit : c'est elle. Tu prends sa main, la regardes dans les yeux, et commences à danser. Une danse gaie, simple et vivante. Vos corps bougent en symbiose, le son augmente, tes oreilles sifflent, et sans t'en apercevoir, tu monte dans les airs, avec elle. Le ciel se rapproche de toi, le soleil te berce avec ses derniers rayons qui percent à travers les nuages. Mais pour rien au monde tu ne brisera cette étreinte interdite, ce regard éternel. Toute ta vie tu as rêvé de ça, tu as rêvé de ce petit instant de bonheur. Et il continue, encore et encore. Tu attrapes son autre main et commence à la faire danser dans les airs, voluptueusement. Elle sourit, tu lui souris. Un regard complice s'installe et les sourires qui se dessinent sur vos deux visages sont réels. Splendide paroxysme, elle se rapproche de toi dans un but qui t'échappe encore. Tu aimes ce moment et tu pries pour qu'il dure éternellement. La rose t'échappe des mains lorsque tu la prend par la taille, scrutant son visage à la recherche de l'imperfection. Jamais tu ne la trouva. Elle était parfaite. Heureuse d'être là. Enfin. Elle te sert tout contre son corps, et se love dans ton coup alors que vous entamer une marche calme et douce. Est-ce un rêve ? Est-ce réel ? Tu n'as pas envie de retomber. Tu n'as pas envie de t'échouer contre le sol, si bas à présent. Tu espères rester en haut aussi longtemps que ton esprit le voudra. Mais plus rien ne va. Tu entends ses cris se répercuter dans tes oreilles, dans ton cœur, dans ta tête. Inlassablement, sa voix t'enlace, te prend dans une tourment infini de plaisir et d'envie. Tu la serre plus fort contre toi, plus près de toi. Sa peau est si douce, si pâle. Son souffle chaud se loge dans ton épaule, te fais frémir d'excitation. Tout semble si réel. Si vrai. L'optimisme te fait perdre la tête. Tu penses trop, tu danses trop. Tu pleures trop. Tu retombe lourdement sur les faits. Sur tes actes passés. Le crime passionnel est-il réellement une erreur ? Même rêvé, est-ce malhonnête ? Oui. Sans doute. Mais c'est plus fort que tout, cet amour qui emplit ton corps à chaque seconde. Si fort que tu veux t'en laver. T'en débarrasser. A force de la serrer contre toi, tu sais. Tu sais que plus rien ne va. Tu sais que de plus en plus, la vie s'en va. Tu sais qu'elle est de moins en moins présente. Tu le sens. Contre toi, elle est froide. Silencieuse, triste. Morne. Tu te demande alors si tu as bien fait. Tu sais que non. La vie n'est plus rien sans elle. Il faut la retrouver. La chercher. Dans les plus profondes abysses du désespoir, tu trouveras peut être ton bonheur. Parler à une tierce personne. Réfléchir à ses actes, et lui en parler. Oublier tes actes dans une entité qui te dépasse. Te substituer. Mais c'est toi qui a oublié. Le sens de la vie. Le sens du mot amour. Tu danses toujours, vivement. Avec dans tes bras ta vie. Ta mort. Ton futur, ton passé. Ce que tu tiens dans tes bras, que tu fais danser. A qui tu souris. A qui tu essaies de parler. Avec qui tu tente de renouer le contact. C'est elle et elle seule. L'amour de ta vie. Mais c'est trop tard. Il est trop tard pour agir. Elle est… … Elle est partie. Et plus rien ne la fera revenir. Pourtant. Tu ne la connais même pas. Tu ne sais pas la moindre chose d'elle. Si ce n'est son physique et sa voix. Tu ne l'as jamais vue en face. Tu ne lui as jamais parlé. Tu ne l'as jamais approchée. Tu te contentais de la voir, l'observer. La regarder. L'aimer. De tout ton cœur. L'injustice frappe tout ton être, tu sais que c'est ainsi. Qu'elle est partie pour toujours, loin de toi. Que peut être jamais tu ne la reverra. Mais l'espoir subsiste. Tu gardes espoir qu'un jour, elle revienne de là, et remplace cette coquille vide que tu as dans tes bras, et qui commence à partir. Doucement. Sûrement. Et là tu regrette de tout ton corps de ne pas t'être lancé plus tôt. De ne pas avoir été assez courageux pour faire ce que tu devais faire. Mais maintenant, tu sais que tu vas le faire. Tu sais que tu va la chercher. La rechercher. Même s'il faut aller au bout du monde pour ça. Tu la reverra. Et enfin… …la douce silhouette de l'espérance s'efface au fond, loin de ton esprit. Loin… Puis tu retombes. Lourdement. Terminé, Enfin. Et là tu regardes le ciel. Tu regardes l'herbe grasse qui t'entoure. Tu te demandes ce qui s'est passé. Ce que c'était. Ce que ton esprit essaie de te dire. -… un rêve… Ton esprit. Il est revenu. Mais déjà tu n'y crois plus. A ne jamais perdre espoir. Et là, virevoltant, svelte et léger, un pétale de rose blanche tournoie au dessus de ta tête et tombe sur tes lèvres. … Oui. Je l'aime.*** Oui, je l'aime, c'est un fait. Elle était partie d'un coup, sans que je sache réellement pourquoi. En réalité, elle partait pour un tournage sur Madrigal. C'était il y a trois ans déjà. Et moi, comme un idiot je ne savais rien d'elle. J'espère qu'elle lira mon mail. Et qu'elle pourra me connaître. Me reconnaître. Me revoir… La revoir… Savoir que toute ma jeunesse elle fut près de moi… Savoir que je l'ai laissée partir sans rien dire. C'est relativement dur a accepté en fait. Je me rappellerais toujours ce jour, où j'ai rêvé. Où j'ai us que je l'aimais réellement. Ce jour où je marchais près de ce ruisseau… Difficile d'accepter ça… Chapitre Second : L'ISSD La musique bourdonnait dans les oreilles d'Emily. Elle s'était levée depuis un peu plus d'une heure et avait entreprit de faire du tri dans ses affaires en vue de son déménagement prochain. Ce que cet homme lui avait apprit l'avait profondément troublé. A tel point qu'elle avait préférer écouter de la musique au volume maximum afin d'éviter de réfléchir. Elle se dandinait tout en rangeant ses sous-vêtements dans sa valise, ce qui aurait pu paraitre étrange pour un inconnu passant à l'entour de la fenêtre à ce moment. D'autant plus qu'elle était en robe de nuit et chantait le plus faux possible, ne s'entendant pas. Cette scène comique aurait pu être l'objet d'une description outrancièrement longue, mais je préfère m'abstenir et vous raconter des choses plus intéressantes pour la suite de mon conte. Ainsi elle semblait heureuse. Elle semblait seulement. Car la mort de sa mère et l'étrange nouvelle concernant l'héritage de ses fonctions l'avait atrocement attristée et intriguée. Et pour dire, elle n'avait pas dormi de la nuit, faisant des soubresauts régulièrement. Se levant périodiquement pour s'humecter le visage, baigné de larmes asséchées par la douleur. C'est un homme d'une trentaine d'année qui est venu lui annoncé la nouvelle en face à quatre heures de l'après-midi. Il lui énuméra diverses phrases de condoléances apprises par cœur. Cet homme en noir n'était pas fait pour annoncer ce genre de chose, et son but s'est très vite révélé être d'un tout autre aspect. Il se concentra tout d'abord sur les circonstances de la mort de la mère de notre héroïne dans le but de retirer les derniers espoirs qu'Emily pouvait avoir. Une fois qu'il eut la certitude que celle-ci fut inapte à réfléchir consciencieusement et justement tant elle eut été effondrée, il commença à lui apprendre ce que faisait sa mère sur Harvest. Emily repensa immédiatement au mail qu'elle a reçu la veille, lui disant de « prendre la place » de sa mère. Bien qu'affalée sur son fauteuil, les yeux mi-clos et embués de larmes, Emily écoutait attentivement ce que l'homme en noir lui dit. Il semblerait que sa mère ait appartenu à un grand conseil, centre de décision des actions d'une branche de l'armée connue sous le nom d'ISSD. Emily n'a jamais aimé les sigles qui ne veulent rien dire. D'autant plus que l'homme en noir n'a pas voulu expliciter plus en détail les objectifs et la place qu'à cette organisation dans l'armée. Elle n'avait par ailleurs aucune idée de ce que pouvait signifier cette abréviation. Tout ce qu'elle sait, c'est ce que je vous ai communiqué. Le nom et une appartenance à l'armée. Sa mère était à la tête de cette organisation d'après l'homme, et il est « nécessaire », pour le citer, que l'actrice doive stopper toutes ses activités précédent la mort de sa mère pour se consacrer pleinement à sa nouvelle tâche. Elle eut droit à un délai de dix jours pour réfléchir et donner sa décision finale. Emily s'était alors précipitée sur son ordinateur afin d'en apprendre plus sur cette organisation. Le plus étrange fut qu'aucune information ne filtrait sur celle-ci. Elle était bien répertoriée sur le site de l'UNSC, mais seul le nom était cité dans un petit encart à l'écart de toutes les autres informations. Elle ne put donc rien apprendre. Pour la première fois, elle fut en mesure de trouver une excuse à sa mère. Si elle était réellement à la tête de cette « armée », cela explique beaucoup de ses absences. Malheureusement, elle n'avait pas d'autre preuve que la parole de cet homme quant à la véracité de l'importance que l'organisation peut avoir. Elle fut tentée de rappeler l'homme au numéro qu'il lui avait laissé, afin d'en savoir plus. Mais elle n'osa pas. En effet, appeler l'homme reviendrait à accepter le « travail ». Or elle n'était même pas sûre de vouloir abandonnée sa vie utopique. Elle s'allongea alors dans son lit pendant un bon moment, réfléchissant à la manière de décliner cette offre, quand bien même elle refuserait. Car malgré ses doutes et un mauvais pressentiment, sa curiosité la poussait à accepter. Ainsi elle réfléchit pendant une dizaine de minutes. Et la curiosité prit le dessus. Prendre la place de sa mère, prendre part à la vie de l'armée dont elle était presque fan depuis toute petite (c'est peu être pour ça d'ailleurs qu'elle a joué dans beaucoup de films de guerre…). Elle pensait même pouvoir comprendre la raison de la mort de sa mère, si tant est qu'elle soit morte. Elle avait toujours l'espoir de la revoir vivante. La futur ex-actrice prit son téléphone et composa le numéro inscrit sur la carte noire. On lui répondit presque immédiatement. Sans qu'elle pu prononcer un mot, la voix suave et mélodieuse d'une femme lui adressa la parole. -Nous vous priions de vous rendre près de l'écluse de la rivière au nord de Madrigal avec toutes vos affaires. Puis plus rien, hormis le bip continu signalant que plus personne n'était au bout du fil. Etonnée par un tel accueil, Emily reposa doucement le combiné et entreprit de préparer ses affaires. Elle mit ses écouteurs sur ses oreilles et commença la drôle de scène que j'ai décrite au début de ce chapitre. Une fois prête, elle arrêta la musique (et sa danse). Elle s'habilla le plus naturellement possible et se dirigea vers la cuisine, d'où elle saisit un stylo. Puis elle prit une feuille de papier et y écrit « Vie d'avant ». Elle le ratura. Puis enfin, elle sortit de sa maison, prit sa voiture, et après une petite heure de voyage elle fut arrivée à destination. L'endroit était magnifique, brillant, ordonné. La rivière coulait calmement entre deux rives ornée d'arbres bien portant. Le doux bruit que la rivière produisait semblait apaiser tous les oiseaux aux environs et dégageait une atmosphère de bien-être. Le tout était entouré de deux monts érodé, offrant un aspect magnifiant de profondeur à ce lieu onirique. A une centaine de mètre d'ici, au dessus de la cascade faisant miroiter l'eau turquoise, se trouvait une rivière plus large, où l'écluse était installée. Une fois sur place, Emily entra dans le poste de contrôle de la rive droite. Le gardien, la voyant arriver l'accueillie chaleureusement en lui répétant sans cesse qu'elle ressemblait à sa mère, en plus beau, et plus jeune. Ignorant les flatteries, Emily demanda à voir la femme qui lui avait parlé au téléphone. L'homme prit un air grave en voyant le sérieux de l'ancienne star de cinéma. En réalité, il semblait déçu qu'elle veuille partir. « La vie ici doit être ennuyeuse. Il veut juste un peu de compagnie » se dit Emily, très justement. Mais il finit par acquiescer après quelques secondes et ferma les portes de l'écluse. Coupant ainsi le cours de l'eau. Le débit de la cascade diminua progressivement, jusqu'à s'arrêter. L'homme indiqua à son hôte de le suivre. Ce qu'elle fit, sceptique. Ils descendirent le chemin menant au bas de la cascade. Peu à peu, un décor étrange s'imposa à Emily. Derrière ce qui était la cascade, on pouvait observer un enfoncement, au fond duquel se trouvait une porte blindée. Sur cette porte se trouvait un sigle bien étrange. Une sorte de point d'interrogation, barré de deux petits traits, et dont le point serait à côté de la boucle, sur la gauche. Sous ce symbole figuraient les lettres ISSD. Peu à peu, Emily et le gardien avançaient vers le bas de la porte. Une fois à niveau, la porte s'ouvrit avec un fracas étourdissant. Un bruit sourd, grinçant, ainsi que de nombreux cliquetis aigus. Une voix sortit de l'arrière l'instrument de bruitage, râlant, énervée, mais rassurante et contenant une pointe d'humour difficile à cerner. -Il faut vraiment penser à changer cette porte Serina ! -Tu n'as qu'à aller en acheter une ! Répondit une seconde voix qu'Emily identifia immédiatement. Une fois la porte ouverte, Emily put observer attentivement les deux personnes jusqu'alors cachées. L'un était un homme d'une trentaine d'année, bien portant, simple. Il avait une tête de vieux rigolo, du genre à parler pour ne rien dire. La seconde personne était une femme un peu plus jeune, les cheveux d'un noir de jais, longs. Elle avait un visage fin et des yeux d'un bleu profond. Elle était très belle, et semblait plus sage, consciencieuse et posée que l'homme qui se tenait à sa droite, souriant comme un benêt. L'homme fit un pas en avant et tendit sa main : -Je m'appelle Jack Tendor, mais appelez moi Jack ! Bienvenue à L'InterStellar Center of Decision… ISSD. Oui, le C à été remplacé pas un S pour embrouiller les gens un peu trop curieux. Emily ne pipa mot. Elle était plutôt surprise d'un tel familialisme au cœur de l'armée. L'homme continua sur sa lancée. -Vous ressemblez beaucoup à votre mère. Mais en beaucoup plus… Il chercha ses mots un instant, mais c'est le gardien qui finit sa phrase. -Belle ? -Oui ! C'est ça ! Merci Greg ! La dénommée Serina le coupa d'un geste de la main. -Excusez-le. Je m'appelle Serina, je suis la directrice des recherches scientifique de ce corps de l'armée. Je pense qu'il est temps de vous faire visiter… et de vous expliquer ce que nous sommes. Notre « belle » jeune femme acquiesça et suivit Serina à travers la porte. Jack donna un taquet au gardien en riant, puis ils se séparèrent. Jack ferma la porte et suivit les deux femmes dans les entrailles de la base secrète. Les couloirs étaient sombres et les murs humides. Il y régnait une ambiance pesante, presque terrifiante. De l'eau s'écoulait du plafond et s'écrasait de temps à autre contre la peau douce d'Emily. Le bruit de leurs pas faisait écho dans le long passage étroit, provoquant un frisson permanent chez la jeune femme, qui commençait à se sentir en danger. Après quelques longues secondes de marche, ils arrivèrent face à une porte blindée, ornée d'une écoutille rouillée. Emily savait qu'elle était rouillée car lorsque Jack la fit pivoter, un bruit grinçant et insoutenable se répercuta dans toute la grotte artificielle. La porte s'ouvrit lentement, dévoilant son imposante épaisseur –plusieurs dizaines de centimètres- à mesure que Jack tirait sur l'écoutille. Une fois la porte ouverte, Emily pénétra dans une pièce sombre, mal éclairée par une lampe à pétrole vacillante suspendue au salon, et surtout il y faisait extrêmement froid. Lorsque la porte blindée fut refermée derrière Jack, un panneau sortit du sol, dévoilant un clavier ainsi qu'une sorte de socle avec une cavité à l'intérieur. Serina tapa rapidement un code, en prenant bien soin de se mettre à l'abri du regard d'Emily. Une fois cette tâche accomplie, elle inséra sa main entière, jusqu'au dessus du poignet, dans la cavité. Après un tressaillement de sa part et un vacillement supplémentaire de la lampe, une voix s'éleva dans la pièce. - « Bienvenue au centre de contrôle, de recherche et d'étude du Centre de Décision Interstellaire Serina. Veuillez patientez pendant que notre Intelligence artificielle scanne vos invités. ». Jack bougeait ses lèvres en même temps que la voix, de façon à montrer qu'il connaît la chanson par cœur. On pouvait également remarquer une petite lueur de moquerie dans ses yeux : apparemment la routine commence à le lasser. Cette idée d'une journée répétitive, se reproduisant à l'identique d'un jour à l'autre, et jusqu'à la fin de ses jours fit tressaillir Emily. Ce tressaillement fut amplifié par l'atmosphère sinistre de la pièce. C'est alors qu'elle repensa à sa mère. Elle l'imagina entrant sa main dans la cavité, répéter ce que dit la voix et soupirer de lassitude à chaque fois qu'une nouvelle journée identique à la précédente débute. Emily arrêta un sanglot qui resta bloqué au milieu de sa gorge. Elle se souvenait du sourire béat de sa mère à chaque fois qu'elle pouvait venir la voir. Jusqu'ici elle pensait que c'était juste un problème mental, ou un toc, c'est selon. Mais elle commence à se rendre compte de l'importance de ses incursions chez elle. Peut-être était-ce pour elle un moyen de tenir le coup, de se dire qu'elle a un but. C'est alors qu'Emily se mit à douter de l'amour de sa mère : si elle-même souffrait en venant travailler ici tous les jours, pourquoi infligerait-elle ça à sa fille ? Pourquoi laisserait-elle sa fille vivre la même chose qu'elle ? Emily arrêta de se tourmenter lorsque le sol de la pièce se mit à trembler. Instinctivement elle s'agrippa à la table, ce qui évidemment, n'améliora pas son équilibre. Le sol sembla s'effondrer, du moins c'est l'impression qu'Emily eut. En réalité le sol se découpa en un cercle parfait et commença à s'enfoncer dans le sol, à travers un conduit. Cette fois-ci, pas un seul crissement ne vint titiller l'ouïe d'Emily : le mouvement était parfaitement fluide, et lorsqu'il atteignirent un certain niveau au dessous du sol, celui ci se referma au dessus d'eux. Des lumières blanches éclairaient le tuyau par lequel la plate-forme descendait. Le voyage parut durer plusieurs dizaines de minutes pour la jeune femme. Lorsqu'enfin ils parvinrent au niveau inférieur, un porte blindée parfaitement bien entretenu, d'un blancheur pure, s'ouvrit en s'écartant. Jack ouvrit la marche, suivit de Serina qui fit signe à Emily de la suivre à travers l'ouverture. Emily douta un instant avant de s'y enfoncer, le pas lourd et hésitant. Une fois le pas de la porte passée, elle fut éblouie par de nombreux néons d'une blancheur immaculée, éclairant des murs tout aussi blancs. A intervalle régulier se trouvaient des portes, fermées, avec des poignée d'argent brillantes. Sur chacune d'elle, une plaquette dorée indiquait la nature de la pièce cachée derrière. Emily avança dans ce couloir avec ses futurs collaborateurs de routine, si tant est qu'elle accepte le travail, dont, au passage, elle ne savait toujours rien. Après quelques instant à marcher dans le silence le plus total, Emily se rendit compte de la complexité du lieu : un dédale de couloirs semblables, entrecroisé, avec de nombreux escaliers, ascenseurs et même des routes pour des véhicules assez conséquent partant au loin, s'enfonçant dans les profondeurs de la base. Lorsqu'enfin ils s'arrêtèrent devant un porte imposante, Emily jeta un œil à sa montre. C'est alors qu'elle se rendit compte que le voyage n'avait en réalité duré que trois minutes. Trois minutes extrêmement longues pour elle, qui pensait trop. Qui réfléchissant trop aux conséquences de ses futurs choix. Sur la porte était inscrit sur la petite plaque dorée « Bureau du Grand Décisionnaire ». Les majuscules sur les deux derniers mots interpellèrent Emily. Alors comme ça, elle allait rencontrer le grand manitou. Elle allait faire face à un entretient d'embauche interminable pour un métier pour lequel elle n'a jamais postulé. A peine Jack posa sa main sur la poignée de la porte qu'il la retira. Il se retourna vers la Serina en lui jetant un regard lourd de sens pour elle, mais absolument imperceptible pour Emily. Serina acquiesça en direction de Jack et tourna doucement la tête pour pouvoir voir Emily dans toute sa splendeur. Serina avait une expression très neutre, à peine condescendante et presque… compatissante. Emily n'avait strictement aucune idée de ce que la femme allait lui dire, mais elle parierait sa carrière qu'elle allait lui dévoiler quelque chose sur sa mère. -Votre mère… commença Serina « Gagné » songea Emily. Elle se surprit a esquisser un sourire imperceptible. -… était une personnalité importante dans cette branche de l'ONI, continua-t-elle. Voyant que son interlocutrice ne réagissait pas, elle poursuivit. -Que savez-vous exactement de l'ONI ? Demanda-t-elle. Emily voyait bien plus un test, ou tout du moins les prémices d'un test qui se déroulerait derrière cette porte où elle imaginait déjà de gros bonhomme caricatural des patron de l'armée : des marionnettiste comme elle se surprenait à les appeler. -Pas grand chose, répondit-elle en prenant toutes les précautions possible, sinon qu'il s'agit du centre décisionnaire du peuple humain dans la galaxie, et qu'ils ont presque tout les pouvoirs sur nous… -C'est à peu de chose près ça, en effet. Concéda Serina. Le silence soudain des deux autres protagonistes, Jack ne parlant pas depuis longtemps, certainement perdu dans ses pensées, inquiéta Emily. Peut être remarquèrent t-ils qu'ils avaient fait un mauvais choix, en prenant pour successeur de sa mère une jeune fille ignare et inintéressée par la politique. Jack se racla la gorge et se redressa, les bras croisés. -Et que sais-tu de l'ISSD ? Hormis le fait que le S est en fait un C, précisa-t-il un sourire en coin. -Absolument rien, avoua Emily, mais je suppose que vous allez me le dire. Elle voulait montrer sa niaque. Montrer que, quoi qui l'attende derrière cette porte, qui que ce soit, elle allait s'en sortir. Elle voulait absolument savoir un maximum de chose avant de prendre une décision. Cette réponse à la limite de l'insolence surpris Jack et Serina qui se regardèrent et hochèrent la tête. -Tu n'auras pas d'autre mentor que nous, dit Serina. Nous t'apprendrons tout ce qu'il y a à savoir, et tu pourra occuper la fonction qui t'es assignée dès que nous jugerons que tu es prête. Mais seulement si tu es sûre que c'est ce que tu veux. -L'ISSD n'est pas une branche de l'ONI. En fait c'est plutôt l'inverse… Cette précision interloqua Emily. -Je croyais qu'il n'y avait rien au dessus de l'ONI. -Il n'y a rien. Répondit Serina. Du moins, rien d'officiel. Disons que l'ISSD est plus vieille que l'ONI, et que l'ONI est en réalité … son enfant. -Le patron de la boîte est bien plus influent que tous les patrons de l'ONI réunis. Continua Jack. C'est le grand patron si tu préfère. Ici, nous prenons toutes les décisions, nous envoyons toutes les directives et nous gérons toutes les crises de tous les mondes contrôlés. Un société de l'ombre si tu préfère. -Nous ne pouvons t'en dévoiler plus avant ta décision finale. Tu peux la prendre maintenant si tu veux, mais sache que tu ne pourra pas faire machine arrière après. L'amalgame de toutes ces informations, de tous ces secrets choquèrent profondément Emily. Mais sa curiosité était tellement forte qu'elle mit immédiatement sa vie professionnelle d'actrice de côté. En réalité, elle n'avait jamais aimé, ni jamais voulu, être actrice. Ce métier lui avait été plus ou moins imposé par sa mère. Avec le recul, elle se rendit compte que celle-ci tentait peut être de la mettre à l'écart de tout ces… complots. Complots ! Oui, c'est le mot qu'Emily employait, bien qu'elle n'eut aucun fait à reprocher à l'ISSD. Mis à part la mort de sa mère bien entendu. Sa mère. Tout tournait autour d'elle. Sa vie, l'ISSD, la perte de contact avec Harvest. -Et… ma mère ? Comment est-elle morte ? Demanda finalement Emily, comme si la réponse à cette question déterminerait son futur et celui de l'ISSD. -Votre mère. Sa mort ne rentre pas dans les informations que nous pouvons vous divulguer avant votre choix final. -C'est ma mère tout de même ! S'indigna Emily. J'ai le droit de savoir ! Jack secoua la tête en signe de négation. Son stoïcisme répugna Emily. -Comment est-elle morte ?! S'écria-t-elle. -Nous ne pouvons pas… -Alors j'accepte ! J'accepte d'occuper son poste, mais par pitié, dites moi comment elle est.. Elle éclata alors en sanglots. Bien malgré elle évidemment. Mais le fait que sa propre filiation soit mise après un secret aussi peu important qu'une rébellion ou un simple accident la dégoûtait. Les deux autres protagonistes se redressèrent visiblement étonné par la spontanéité d'Emily. Ils ne s'attendaient visiblement pas à une réponse aussi rapide et peu réfléchie. Pour eux, il s'agissait d'un choix fait sur un coup de tête. Pour Emily, c'est un choix réfléchis. Elle y pense depuis sa naissance en réalité, même si elle ne le savait pas : ses fans, le fait d'être mis en avant, sur scène, d'être connu. Tout ceci lui permit de se forger un avis sur le fait d'être connu et mis à découvert. Elle a pu comprendre tout les problèmes qu'une vie à découvert incombait. C'est pour cela qu'elle ne voit que mieux les avantages d'une société décisionnaire inconnue, dans le secret. Finalement, sa mère l'aurait donc plongé dans le monde people volontairement afin de la prédestiner à occuper sa fonction dans l'ombre plus tard. Tout était calculé, et Emily venait de le comprendre. Elle déteste les secrets, mais elle ne peut y échapper. Quoiqu'il en soit, cette décision précipitée n'empêcha pas Serina et Jack d'acquiescer et d'entreprendre la suite des événements. -Votre mère est morte… commença Serina sur un ton désolé, presque coupable, des suites d'une invasion sur Harvest. Emily redressa la tête, essuyant quelques larmes trop visibles sur les joues trop parfaites. -Des rebelles ? Réussit-elle à articuler. -Non, autre chose… répondit Jack après un silence. -On ne sait pas encore vraiment de quoi il s'agit. Emily ne répondit pas. Les deux autres ne continuèrent pas. Ils savaient le sujet épineux, et après un très long et très lourd silence, Emily se redressa et hocha la tête en direction de Jack. Celui-ci comprit immédiatement qu'elle désirait passer à autre chose, et connaître les termes de son contrat avec l'ISSD. Jack tourna la poignée, fixant la plaque dorée avec nostalgie. Il se tourna vers Emily pour voir si elle avait bien pris connaissance de la fonction qu'occupait la personne derrière cette porte. L'intéressée regarda intensément Jack pour lui faire comprendre qu'elle savait déjà depuis un moment. Alors, il ouvrit la porte. Derrière celle-ci se dessinait un paysage très étrange. Un bureau simple, en ébène certainement. Des photos tout le long du mur avec une enfant qu'Emily cru reconnaître, des étagères anciennes remplies de livres bien connus de la jeune femme, finement travaillées. Une moquette bleue, bien entretenue se tenait sur le sol, et une grande baie vitré tapissait le mur derrière le bureau. Un siège imposant se dressait au fond de la pièce, vide. Un nom était écrit en lettres noires sur une plaquette de verre posée sur le bureau à l'attention des visiteurs. Emily plissa les yeux pour prendre connaissance du nom alors que Serina entra dans la pièce, visiblement enthousiaste et prit la parole avec un ton jovial : -Bienvenue dans votre nouveau bureau ! Sur la plaquette était inscrit : « Mlle Emily Lawrence ». Chapitre Troisième : Désespéré Alors que mon idole passait sous la cascade, en compagnie de deux inconnus, je la cherchais. Partout où j'allais, je pensais à elle, à l'endroit ou elle pouvait être. Cela faisait plusieurs jours qu'elle n'avait plus donné signe de vie, même dans sa maison où elle passait le plus clair de son temps, à l'abri des paparazzis éventuels, et des fans trop entreprenants. Le fait qu'elle ne soit pas sortie de chez elle m'interpella. Soucieux, j'interrogeai donc un de ses voisins, qui, avec le temps, était devenu en quelque sorte mon espion. Mon ami, sur qui je pouvais compter. Cet homme, approchant la soixantaine d'année maintenant, me portait une confiance presque aveugle, et m'avais d'ailleurs confié que la voiture de la star était restée dans le garage depuis une semaine, et qu'aucun taxi ou autre transporteur n'était venu la chercher. Je m'approchai alors du garage et regardai à l'intérieur par un petit interstice. Et je dû admettre qu'effectivement, sa voiture était toujours là, au milieu de vieux objets poussiéreux, endormie. Où pouvait-elle donc être ? Je m'inquiétais sans doute de rien : elle pouvait très bien être en week-end avec des amies (ou amis, mais ça me répugne !) que le vieil homme n'aurait pas vu passer. Mais nous n'étions pas en week-end, d'une part. Et d'autre part, elle avait à ce moment là un tournage très important d'un film à très gros budget, qu'elle ne manquerait pour rien au monde. La connaissant, elle avait très bien pu rester là-bas plusieurs jours d'affilée, afin de peaufiner son jeu. Ou peut être le tournage nécessitait des environnements irréalisables en studio. Ca me paraissait quant même étrange, et de toute façon, j'avais ce mauvais pressentiment qui m'oppressait nuit et jour depuis sa « disparition ». C'était bien le terme. La disparition d'Emily. Ça ne tarda pas à faire les grands titres des journaux dès le lendemain. Mais je n'abandonnais pas. Je suis allé au studio, afin de rencontrer le réalisateur. Ils laissent entrer qui le veut là-bas tant qu'ils ne gênent pas : technique de promotion du film. Généralement il y a plusieurs dizaines de personnes à l'intérieur, alors je m'abstins. Je n'ai de toute façon pas besoin de voir un personnage inventé de toute pièce qu'Emily tente de rendre un tant soit peu réel (et elle y arrive à la perfection !). C'est Emily que je veux voir, personne d'autre. Mais cette fois, j'avais vraiment besoin de savoir. Alors je suis entré, et à ma grande surprise il n'y avait personne à l'intérieur. Inquiet, je m'avançai plus loin dans les décors quand tout à coup j'entendis une voix, frustrée et énervée : -Elle n'est pas là ! Ça fait 4 jours qu'elle n'est pas venue ! Elle sait pourtant qu'on à besoin d'elle ! Etc., etc. Je fis demi-tour, écartant la piste du tournage secret. Dans ce cas, il ne me reste que la fugue. L'abandon d'une vie pour une autre. Peut-être était-elle partie loin d'ici, à la recherche d'aventure, d'une autre vie, moins exposée. Non, ce n'est définitivement pas son genre de lâcher des gens comme ça, sans prévenir. J'écartai donc cette hypothèse. Une fois à court d'idée, mon mauvais pressentiment refit surface. Aurait-elle été enlevée ? Je me secouai la tête. C'était impossible, je deviens paranoïaque. Déjà que mon intérêt pour elle pouvait sembler louche, si je commence à vouloir être son sauveur : ça en devient grave ! Malgré tout, j'étais très inquiet, et je n'écartai pas cette piste. S'en est alors suivi un grand ébat intérieur, pour savoir si oui ou non j'allais vérifier si elle était vraiment absente de chez elle. C'était la dernière solution possible – mais peu probable- qu'il me restait. Elle pouvait très bien être tombée dans une profonde dépression sans trop que je sache pourquoi, et elle aurait tout simplement décidé de s'isoler du monde, nous laissant en proie aux doutes –bien que je ne pense pas qu'elle ait pu être égoïste à ce point. Et un beau jour, elle sortira de chez elle et on l'accueillera, à bras ouvert, heureux. Et elle, triste. Non, ce scénario me faisait trop mal, et aurait complètement détruit l'image que j'avais d'elle. Il restait cependant un moyen de savoir ce qui s'est réellement passé. Cela peut paraître un peu fou. Voire complètement louche, mais je n'étais pas tranquille. Si je ne l'avais pas fait, je n'aurais jamais su ce qui s'est passé. Je n'aurais jamais pu savoir quoique ce soit d'elle, et finalement, vous ne seriez pas en train de lire ces lignes. J'ai fait le bon choix, malgré son issue. A l'époque, je ne savais pas quelles conséquences auront mes actes. Je ne savais pas à quoi cela conduirait finalement. Et aujourd'hui, je regrette, autant que j'assume pleinement la responsabilité qu'a été la mienne. J'ai fini par me rendre compte que si je ne l'avais pas fait, elle n'aurait peut être jamais connu tout ça. Oui, je tourne autour du pot, comme on dit dans le jargon. Mais si je vous dévoilais tout maintenant, ce serait bien moins intéressant. Laissez-moi-vous présenter les faits comme ils se sont déroulés à l'époque. C'est deux jours après avoir trouvé la solution que j'ai finalement franchi la porte du quartier général de l'ONI de Madrigal. Un peu à l'aveuglette, j'ai progressé dans le bâtiment presque désert. C'était d'ailleurs assez exceptionnel. En effet, j'étais rarement venu ici, mais il y avait toujours énormément de monde, rien que devant le bâtiment. Il se passait à mon avis quelque chose de grâve qui avait dû mobiliser tout le personnel dans un lieu plus approprié. Moins exposé peut-être. Mais pourquoi ? Passant cette question sous silence, j'avançai jusqu'au comptoir de l'accueil. Il était assez lugubre, comme le bâtiment d'ailleurs. Une grille aux vitres verdâtres, grillagées de surcroît, séparaient l'intérieur du box d'accueil du reste de la salle. Seul un trou dans la barrière immonde permettait l'échange entre le guichet et le visiteur. Je regardai un peu autour de moi, le sol et les murs n'étaient sans doute pas aux normes de construction de l'époque, il fut dire que ç 'à été un des premier immeuble de la colonie. Voire même le premier. Le plafond était bas pour un hall d'un si grand immeuble. Le sol était en marbre vieillit, les murs d'un blanc maculé de tâches jaunâtres et les vitres teintées empêchait le peu de soleil qu'il y avait de jour là d'envahir la salle. Tous ces éléments rendaient l'endroit lugubre, presque étouffant. Je ne sais pas qui est l'architecte de ce lieu, mais il avait de drôle de goûts. Cette ambiance mortuaire me terrifiait, d'autant qu'elle était accentuée par le fait que j'étais seul. J'avais envie de partir, de me dégonfler et de courir loin d'ici. Mais j'ai repensé à Emily. Et j'ai repris mon courage. Je m'approchai du comptoir et j'aperçus au fond du box une petite femme maigre qui pianotait sur son clavier. Les derniers pas qui me séparaient d'elle était si lourds qu'ils se répercutaient en écho dans toute l'étendue de la gigantesque salle. Mes propres pas arrivaient à me glacer le sang. Elle devait entendre mon cœur battre, car elle a fait volte face, me dardant du regard. Cette femme. Elle était encore plus effrayante que la pièce dans laquelle je marchais frénétiquement. Elle dégageait une aura de cruauté et de froideur. Rien que ses yeux me rappelaient tout ce qui, dans ma vie, s'est rapproché de près ou de loin à la mort. Elle se leva et me fixa du regard. -Vous voulez quoi ? a-t-elle dit froidement. Je restais de marbre, essayant de contrer cette vague de terreur qui m'envahissait. Elle m'inspirait dégoût et répulsion, alors que je ne la connaissais pas. Après quelques secondes de silence, je me rendis compte de la question qu'elle m'avait posée. -Je… je cherche quelqu'un. Ai-je dis, hésitant et tremblotant. -Pas disponible. répondit-elle rapidement, sans avoir réfléchit une seule seconde. Elle se retourna, et s'avança vers son ordinateur. -Lawrence! Je cherche Mlle Lawrence! Ai-je crié, désespéré. -Lawrence est morte y'a plus d'une semaine. Cette simple phrase me fit l'effet d'un coup de poignard. A tel point que j'eu un mouvement de recul. Et cette femme ! Qui n'a même pas daigné se retourné. Qui ne s'est même pas arrêtée. Alors je l'ai sortit, cet objet qui me terrifiait tant. Cet objet qui me faisait voir le monde autrement depuis deux jours. Mais je m'étais décidé. Alors je l'ai pointé sur la femme. Je l'ai appelée. Elle s'est retournée. Et c'est alors que les regards se sont échangés. Elle terrifiée. Et moi, froid et cruel. Désespéré. Une chance qu'il n'y avait personne ce jour là. -Comment est-elle morte ? C'est mon amour pour elle qui m'a poussé à faire quelque chose pouvant valoir la réclusion criminelle à perpétuité. -Comment est-elle morte ?! Elle ne répondait toujours pas. Et mon doigt tremblait en se rapprochant de ce petit bout de plastique. Ce petit bout de plastique qui pourrait nous tuer tout les deux. -Comment… Puis tout à coup, mes muscles ont lâché. J'ai lâché l'arme. Je l'ai accompagné dans sa chute, pour finir à genoux, à côté du pistolet. Et, le visage enfoui dans mes mains, je fondis en larmes. Si elle est vraiment morte, je n'ai plus de raison de vivre. Du moins, c'est ce que je croyais. -C'est peut-être sa fille que vous cherchez. Non ? Cette voix, qui m'avait paru si horrible il y a quelques secondes, me parut tout à coup si douce. Si maternelle. La femme était sortie du comptoir et retira l'arme de mon champ de vision. -Emily. C'est ça ? Je hochai la tête, tout en la relevant. Et je redécouvris ce visage. Je redécouvris également ce Hall terrifiant. L'espoir renaissait. Je me levai, avec l'aide de cette dame rayonnante. Elle me tendit un papier, en m'indiquant une direction. Alors, malgré mes jambes flageolantes et ma vue embuée, ma détermination me poussa à avancer vers cette porte ô combien mystérieuse. Une fois celle–ci passé, je pu apercevoir une sorte de garage. Une dizaine de warthogs étaient garés, bien sagement, l'un à côté de l'autre, attendant quelqu'un pour les faire prendre l'air. Je repensai alors au papier, et entrepris de l'ouvrir. Son contenu fut à l'origine des deux plus grands chocs de ma vie : « Caméras de surveillance. Fuis. Ils savent qui tu es maintenant.» Puis plus bas. « Elle hérite de sa mère. Sauve-la.» Quête du sens : Lucidité, Cohérence « La lucidité. Elle se perd si facilement. Au volant d'un véhicule volé, ou marchant au bord d'un précipice. Trente secondes suffisent pour prendre une décision. Pour faire un choix. Décisif. Dans mon esprit, les mondes s'entrechoquent, tout se mêle. Et je sais que quelque chose à l'intérieur de moi est parti. Mais je n'abandonnerai pas, ni ne me perdrai à nouveau dans cet esprit tourmenté qu'est le mien. Je suis pourtant sorti de là bas. J'ai pourtant réussi à m'échapper. A vivre une autre vie, loin de tout ces fous, de toutes ces âmes tourmentées. C'était pour toi, uniquement pour toi. La cohérence. On la perd si facilement, lorsque l'on écrit ces mots au bord du précipice. Tu ne me comprend sans doute pas d'ailleurs, tu ne me vois certainement pas. Tu ne me connaîtra vraisemblablement jamais, mais je n'abandonnerai jamais. Jamais. » Chapitre quatrième : Inconnu -Je me souviens d'un warthog… et… Plus rien. C'était le trou noir. Un cauchemar, voilà ce que je vivais. Je n'avais rien d'autre à dire à cette femme. Les liens m’enserrait les poignets et les chevilles, des chaînes entravaient mon corps, et la chaise sur laquelle j'étais assis était glaciale. La sensation de froid pénétrait jusqu'aux os. Le fait d'avoir les yeux bandés ne faisait qu'empirer la sensation de mort imminente. Ils me remirent le bâillon, me faisant taire. La poursuite dans la ville a été longue et éprouvante. Et l'accident qui survint près du précipice causa un traumatisme crânien qui était à l'origine de mon trou de mémoire, sans compter de multiples autres petites fractures et coupures. Je n'avais pas mal à proprement parler : ce n'était pas une douleur fulgurante et stridente qui survient lors d'une coupure ou lorsque l'on vous casse le bras. Non, je ressentais une douleur fatigante, lancinante et profonde, qui se répercutait en écho dans tout mon corps. Si bien que je ne pouvais même pas m'évanouir. Les produits qu'ils m'administrait régulièrement jouaient certainement un rôle là dedans. Cela faisait maintenant deux heures que j'étais bloqué sur cette chaise, souffrant le martyr. Et je ne savais pas comment j'étais arrivé là, ni pourquoi. Apparemment mes ravisseurs avaient l'air de gens parfaitement normaux. Peut-être même des agents de police. Ils étaient très professionnels, et d'après leurs dires ils m'auraient attrapé pour « la bonne cause ». Je me demandais sérieusement pourquoi ils avaient mis si longtemps pour me retrouver, alors qu'ils auraient pu le faire dès mon évasion… C'était étrange. Tout à coup je tiltai. Je ne sentais plus le papier au fond de ma poche. Pourtant, même ligoté, j'aurais dû le sentir. Serait-ce la raison de mon enlèvement par cet organisme. C'était possible, mais peu probable : la secrétaire m'avait donné ce papier après qu'ils étaient partis ma poursuite. Soyons donc honnêtes : je n'avais aucune idée de ma présence ici. Eux, en revanche, le savait très bien. Mais ils ne m'ont rien dit d'autre que « De quoi vous souvenez-vous » et « Tenez vous tranquille ». J’entendis soudainement le bruit d'une porte rouillée qu'on ouvre prudemment. Un courant d'air frais me faisait frissonner. J'en conclu qu'une fenêtre devait être présente dans la salle où je me trouvais. Ce qui m'étonnais, puisque l'atmosphère humide et les différents échos me donnaient l'impression d'être assis au milieu d'une pièce mal éclairée, au sous-sol, avec des barreaux en guise de porte. Après tout, ça aurait très bien pu être une fenêtre avec des barreaux. Histoire que j'ai bien froid. Mise à part cette sensation d'être en prison, le souffle (ainsi que l'haleine) particulier de la femme qui était mon hôte arriva jusqu'à mes oreilles et mon nez. Cette haleine me rappelait quelqu'un d'ailleurs. Pas Emily, mais une personne que j'avais du voir très récemment. L'instant où elle m'a retiré le bandeau des yeux à été sans l'ombre d'un doute le moment le plus troublant de toute ma vie. Car je pouvais immédiatement associer sa respiration à son visage que je voyais désormais. Une femme maigre, petite, recroquevillée et défraîchie. Avec néanmoins une dentition parfaite – sans doute un dentier- et une aura à la fois malfaisante et réconfortante, C'était la secrétaire du comptoir. La même sur qui j'ai pointé une arme. La même qui m'a dit qu'Emily était morte. La même qui m'a donné le papier avec ce numéro étrange. J'étais abasourdi. Pourquoi l'avais-je déjà vue ? Son comportement là-bas m'avait déjà semblé bizarre, mais sa présence ici rendait la chose simplement incompréhensible. Je ne pouvais pas croire ce que je voyais, et priais pour qu'on remette ce bandeau sur mes yeux, afin que je redevienne lucide. Ce devait être une hallucination, voilà tout. Ou quelqu'un d'important. Tout à coup, la porte s'ouvrit à nouveau, à la volée, et la vision de cette femme s'estompa, laissant place à l'environnement dans lequel j'étais prisonnier. J'étais troublé. La pièce qui se dessinait autour de moi n'avait rien à voir avec ce que j'imaginais. Il y avait bien une fenêtre, mais sans barreau : c'était une grande ouverture recouverte de rideaux bleus qui cachaient soigneusement ce qui se trouvait derrière. Néanmoins le tissu était soulevé par l'air s'engouffrant dans la pièce. Puis je vis la porte, qui n'avait rien de rouillé ou quoique ce soit d'autre qui aurait pu avoir provoquer le grincement que la femme avait provoqué en entrant ici… Si toutefois elle était bien entrée. Les murs étaient recouverts d'une tapisserie jaune à vomir, mais c'était bien loin des murs de pierre humide que je m'étais imaginé. Quoique, les murs devaient tout de même être humides, vu ce que je voyais par la fenêtre maintenant que l'homme ayant fait disparaître ma vision avait ouvert en grand les rideaux. On pouvait voir de l'eau tomber à un mètre devant la fenêtre. Je conclus que nous n'étions pas au sous sol, mais, bien au contraire, derrière une cascade à plusieurs mètres de l'étendue d'eau dans laquelle elle devait se jeter. Bien que l'espace qui m’entourait était moins terrifiant que ce que j’avais pu imaginer, il n'en restait pas moins lugubre. J'étais ligoté sur une chaise devant une table où une tasse de café attendait sagement d'être bue. Je n'avais pas senti le café auparavant, ce qui m'étonnait. Car à présent, je ne pouvais plus que sentir cette odeur âcre et amère que je déteste tant. Je ne savais pas vraiment pourquoi je haïssais l'odeur du café… Mon inconscient devait le savoir, mais étonnamment, depuis plusieurs mois, mon inconscient était totalement déconnecté avec mes pensées réelles. Je vois des objets qui n'existent pas, et au contraire je ne sens pas ce que je devrais réellement sentir. Cet aveuglement soudain, ici, dans cette pièce, avait réellement troublé mes sens et ma perception des choses. J'ai alors été ramené à la réalité en entendant la voix grave et assurée de mon hôte. Donc a priori, mon ouïe était le seul sens auquel je pouvais me fier à cet instant. J'ai fermé les yeux. -Ouvrez les yeux. M'ordonna une voix. Ce que je fis. Ma présence inexpliquée ici m’intrigua plus que la perturbation de mes sens. Et je sentais qu'en écoutant cet homme j’obtiendrais les réponses à toutes mes questions. Il m'enleva le bâillon, me laissant m'humecter mes lèvres gercées, puis s'installa en face de moi. Il paraissait si détendu qu'il me faisait froid dans le dos. Ses yeux étaient d'un noir de jais, et son regard était de ceux qui vous glacent sur place et vous tiennent en respect. Le reste de son visage était banal, mais il avait des traits de guerrier endurci, ainsi que plusieurs cicatrices. Cet homme me faisait indéniablement peur. Il tendit le bras dans ma direction, ce qui, passé l'instant de surprise, me fit frissonner malgré moi. Mais il ne fit que saisir la tasse de café pour la porter à ses lèvres en m'observant. Il sirota son café pendant quelques secondes, peut-être quelques minutes, avant de me poser une question intrigante. -Pourquoi vous être enfui ? J'ai tout d'abord cru qu'il parlait de la poursuite de ce matin. Mais, avant que je puisse ouvrir la bouche, il me dit d'un simple regard qu'il savait tout, et qu'il parlait d'un événement bien plus ancien. Le genre d’événement qu'on a du mal à oublier. Deux ans auparavant, j'étais interné. Pas dans un internat ordinaire pour étudiant, mais bien un internat pour personne mentalement instables – ce terme m'a toujours fait sourire – dans la section « Visions délirantes et déficiences mentales irréversibles ». Ce qui n'est pas un danger pour la population en soi. Je pense que c'est plus un choix politique de la part des instances supérieures. J'étais enfermé dans un entrepôt glacial aménagé pour les quelques 150 aliénés qui y vivaient. Chaque interné avait le luxe d'avoir une chambre personnelle, de 4 mètres carrés environ. Un bureau, un lit, et quatre murs. Le bureau n'était pas très utile étant donné l'absence de support d'écriture et de crayon en général. On pouvait facilement deviner la raison de cette absence d'outil pour écrire : il fallait éviter qu'un résidant écrive un livre à tout prix. Les rares qui arrivaient à décrire leurs visions sur du papier toilette étaient immédiatement enfermés dans une cage noire pendant trois jours, affamés, fouettés, à titre d'exemple. Le bureau était donc inutile, mais heureusement, nous avions les quatre murs, et les gardiens étaient bien plus cléments en ce qui concerne le fait de gratter les murs avec une cuillère ou ses propres ongles. Un coup de peinture suffisait à faire disparaître les preuves, et ils trouvaient ce compromis plus intéressant : il est plus dur de faire circuler un mur dans le monde entier pour faire connaître ses visions. L’entrepôt n'était gardé que de l'extérieur – bien que quelques gardiens entraient la nuit pour surveiller plus efficacement, car les tentatives d'évasion se font le plus souvent la nuit – et par plus de trois cents caméras de surveillance. Impossible de ne pas se sentir observé. Mais l'absence totale de surveillance physique la journée, hormis pour les transferts ou les punitions pour « délit d'écriture », nous laissait totalement libre pour l'organisation des repas, des douches, des services, etc. Une vraie société hiérarchisée par la loi du plus fort et du Talion s'y était installée. Inutile de vous dire que j'étais tout en bas de l'échelle, crevant la faim, puant comme un rat mort et bourré de médicaments que les autres ne voulaient pas ingurgiter. J'étais clairement dans la caste des souffre-douleurs, Et cet homme, qui qu'il soit, ose me demander la raison de mon évasion ? C'était invivable, et bien que je ne comprenne toujours pas comment la fenêtre au dessus de ma chambre ait pu être grande ouverte, ni pourquoi personne ne m'a poursuivi une fois que ce garde m'avait vu, je n'ai pas hésité à m'enfuir le plus loin possible. Et je n'ai plus jamais entendu parler de ce centre de confinement pour fous depuis cette nuit là. Je ne suis resté enfermé que 3 mois dans cet asile, et pourtant j'ai eu le sentiment d'y avoir passé plus d'un an de souffrances. Un enfer duquel j'ai eu de la chance de pouvoir échapper. C'est sans l'ombre d'un remord ou d'une quelconque rédemption que j'ai répondu à cet homme. -C'était l'Enfer. Ma voix était faible, comme si on avait placé une sourdine sur mes cordes vocales, et le son a eu du mal à sortir. L'homme me lança un regard pour me faire comprendre qu'il n'avait pas entendu, c'est fou comme cet homme avait un pouvoir avec ses yeux. Je me suis raclé la gorge et ai répété. Mais la phrase perdait toute sa crédibilité sans le ton que j'y avais mis la première fois. Je paraissait beaucoup moins sûr de moi. -Je m'en doute bien, murmura l'homme. C'est alors qu'une pensée affreuse surgit. Allaient-ils me renvoyer là bas ? Était-ce pour cela que j'avais été emmené là ? La perspective de devoir retourner entre ces murs me tétanisa. Rien que les quelques souvenirs flous que j'avais m'empêchaient parfois de dormir, comment pourrais-je vivre à nouveau là-bas ? Plutôt mourir. L'envie de me suicider m'envahit. J'ai alors cherché quelque chose dans la pièce avec quoi me taillader les veines. Mais j'ai intérieurement revu diverses images de personnes mutilées, ayant raté un suicide et finissant leur vie dans le même endroit duquel j'essayais d'échapper. La panique quitta peu à peu mon corps. L'homme en face de moi restait sagement assis, à me dévisager, sirotant son café comme s'il attendait patiemment quelque chose. Quand il remarqua que j'ai levé mes yeux sur lui, il détourna les siens, qui se fixèrent sur la fenêtre derrière moi. Plusieurs minutes s'écoulèrent ainsi, jusqu'à ce qu'il brise le silence, comme s'il n'avait jamais existé. -Je m'appelle Sam Cowell. M'informa t-il sur le ton de la discussion. Je travaille pour une organisation dont tu n'as pas besoin de connaître le nom. Nous nous occupons de choses qui te dépassent. Il marqua une pause, en vérifiant que j'avais bien assimilé son discours. -Maintenant que tu as assez mijoté, reprit-il, j'aimerais t'informer d'une seule et unique chose. Son regard était maintenant grave, comme s'il allait me révéler un secret d’État. Je n'étais pas si loin. -Une grande menace plane sur l'Humanité, et tu es celui qui sait le plus de chose à propos de cette menace. Si je m'y attendais ! Cette nouvelle me laissa dans un état dubitatif. J'étais tiraillé entre de l'indifférence, à propos de la menace sur l'Humanité sans doute, de l'étonnement et de la peur. -Et si je m'en fiche ? Rétorquai-je. Cowell sembla surpris. Il se leva et se dirigea vers la fenêtre, certainement pour observer le ciel. Puis il se retourna. -N'y a-t-il personne à qui vous tenez, qui pourrait vous faire changer d'avis sur l'importance de cette menace ? M'interrogea-il, incrédule. Oui, il y avait bien quelqu'un. Je hochais la tête très discrètement, et il le remarqua, ce qui lui rendit tout son aplomb. Il retourna sur sa chaise. -Bien, nous allons pouvoir avancer. annonca-t-il Il reprit son café et en but une gorgée. -Hm. Tout ce que nous savons sur cette menace, c'est qu'il s'agit d'une alliance d'espèces non humaines aux intentions clairement agressives envers les Hommes. Nous avons également qu'ils ont vitrifié Harvest et ont pour nom « Covenant ». Ce nom m'était clairement familier, et j'ai alors rapidement fait le lien entre ses connaissances sur mon passé et les Covenants. A partir de là, et pour Emily, je lui ai raconté tout ce que je savais. Puisque la menace de retourner à l'asile était écartée (quoiqu'ils pouvaient toujours m'y enfermer, pour ne pas que je dévoile mes secrets à l'entièreté de la population) je lui ai conté tout ce dont je me souvenais. C'était il y a deux ans, juste avant de me faire enfermer à l'Asile. J'étais dans un vaisseau de transport civil en direction d'une petite colonie nommée Ama, où j'étais censé retrouver des amis pour passer les vacances. Mais sur le chemin, un vaisseau nous a abordé. Tout est allé très vite, et je ne me souviens pas de grand chose, sinon qu'ils m'ont emmené sur leur vaisseau pour faire des prélèvements et divers tests. Je décrivais à Cowell la physionomie des Sanghellis – je ne connaissais pas encore leur nom à l'époque – et leur rôle dans la société. En effet, ils m'ont fait parler pendant des heures afin de mettre au point une sorte de boîtier à intégrer à leurs armures. Une fois ce boîtier installé, ils parlaient notre langue. Je pus alors comprendre leurs conversations. Je parlais également à mon hôte ce que j'avais compris de leur société, et de ce qui liait toutes ces espèces : une religion appelée Grand Voyage. Je n'ai jamais pu comprendre toute les subtilités de leur religion (nous discutions afin qu'ils améliorent leur boîtier), mais j'ai en revanche pu apprendre que leurs « grands chefs », leurs prophètes, possédaient une technologie dont ils faisait profiter les autres espèces. Ils étaient la clé de voûte de cette coalition. Ils ont ensuite déposé tout l'équipage survivant sur une planète. Nous étions une cinquantaine. La fusillade dura plus de vingt minutes, pendant lesquelles je feignaient d être mort, ou rampait lentement entre les cadavres pour me mettre à l'abri derrière un rocher. Ils sont repartis avec les cadavres – une chance que j'ai été caché derrière ce gros rocher – et je ne les ai plus jamais revu. J'ai fini par réussir à contacter un vaisseau humain qui passait à proximité. Ce coup de chance me permit de rentrer sur Madgiral où on me prit pour un fou, jusqu'à ce que des médecins me le déclare officiellement. Je ne pouvais pas me rappeler de plus de détails, et je m'en suis excusé. Mais Cowell semblait extrêmement satisfait des informations que je lui avais apportées. Il finit par me remercier et sortir de la pièce. Sa tasse de café était vide. Pendant une heure je me suis mit à réfléchir. Était-ce finalement un piège pour savoir si j'étais bien fou ? Est-ce que les informations que j'avais donné allaient suffire à repousser l'attaque et mettre ainsi Emily en sécurité ? Emily. Je n'avais pas pensé à elle depuis que j'étais ici. Rien ne me garantissait qu'elle était toujours en vie. Les tonnes de médicaments que j'ai pris en trop à l'asile m'ont rendu légèrement instable, et la vision que j'ai eu un peu avant était la preuve concrète de cette déficience… Et si elle était réellement morte, et que ce que j'ai entendu à l'ONI ait été faux ? Finalement, est-ce qu'Emily était bien réelle ? J'aurais très bien pu inventer tout ça par moi-même. L'amour est toujours un bon moyen de se sortir d'une mauvaise passe. D'autant plus si c'est un amour idyllique inaccessible. Cette idée me terrifiait et je l'ai chassé d'une main imaginaire, puisque les miennes étaient liées dans le dos. Emily ne pouvait pas ne pas être réelle. J’ai vu trop de film, trop de fans, trop de preuves matérielles pour qu'elle soit obligée d'exister.,, Du moins, j'espère. Cet entretient avec Sam Cowell m'avait vraiment perturbé. Tant de souvenirs remis en question. Mais pire que tout, il avait mis mon amour pour Emily en reconsidération. Je ne savais plus que penser. Cowell finit par rentrer dans la pièce après une bonne heure et demi de latence. Qu'était-il allé faire, m'avait-il réinscrit sur le registre de l'asile, avait-il fait usage de mes informations ? Je n'en savais rien. J’avais surtout peur de ce qui pouvait arriver à Emily, aussi réelle puisse t-elle être. Il s'installa de nouveau en face de moi, avec une nouvelle tasse de café qu'il sirota lentement. A nouveau. Je commençais à remettre en doute la discussion que j'ai eu deux heures auparavant. J'étais extrêmement perturbé. Il a posé sa tasse, s'est levé et a marché lentement dans ma direction, jusque derrière ma chaise. Il détacha mes liens d'une main experte. Je repris le contrôle de celles-ci, et me massa les poignets. Puis il m'a détaché mes jambes et retiré mes entraves. J'avais repris le contrôle de mon corps, et la première chose que j'ai eu envie de faire, c'était de le frapper de toutes mes forces. Mais en me levant, j'ai remarqué à quel point mon corps était engourdi et incapable. Je me suis rassit, tout comme Cowell. Il brisa à nouveau le silence. -Vos informations nous ont été très précieuse, nous vous en remercions. Néanmoins, notre directrice, Mlle Lawrence, à décidé qu'il valait mieux vous garder ici pour le moment. Il ne faudrait pas que l'information de la menace sorte de ces locaux, vous en convenez bien ? J'ai hoché la tête, comprenant tout à fait ce point de vue. Tant que j'étais détaché et nourri, ça m'allait. Mais mon angoisse concernant Emily, sa disparition, la remise en question de son existence et son absence auprès de moi me faisait renoncer à rester ici les bras croisés. -Vous resterez donc dans cette pièce, enfermé, jusqu'à nouvel ordre. Désolé pour cette mesure si radicale, mais … nous ne voulons pas prendre de risque, vu vos antécédents. Vous avez tout ce dont vous aurez besoin dans cette pièce. Merci encore. Puis il est sorti de la pièce, en refermant soigneusement la porte à clé. Machinalement, j'ai répété ce qu'il venait de dire, comme pour me moquer de lui. Je n'avais pas envie de rester enfermé ici sans rien faire. Puis je me suis surpris à penser à voix haute. -Mlle Lawrence ? Ai-je marmonné. Ce nom de famille n'était absolument pas répandu, surtout sur Madgiral, où il n'était porté que par une seule personne… Je me suis rué sur la porte. -Attendez! Ouvrez ! Ouvrez ! Chapitre cinquième : Regards «Jour 3 – Entrée n°1 – On m’a conseillé de tenir un journal de bord, tout comme le faisait ma mère à l’époque où elle était directrice de l’ISSD. C’est étrange de devoir prendre sa place alors que quelques heures auparavant, je n’avais même pas conscience que cet organisme existait. Elle me manque… Et j’ai tellement de choses à lui demander. Je n’ai pas encore saisi l’ampleur du rôle qui m’incombe, ni même pris pleinement le contrôle de ma fonction. C’est pourquoi ils ne veulent pas tout me dire. Je n’ai accès à rien pour le moment. Ce qui signifie que je ne peux même pas connaître les circonstances exactes de la mort de maman. Je me demande s‘ils ont vraiment confiance en moi en réalité. Ils sont distants, m’examinent sans cesse et me pose des questions piège, comme pour savoir si je suis vraiment la digne héritière de ma mère. Le problème, c’est que je ne sais vraiment pas comment faire pour les convaincre, étant donné qu’ils ne me disent rien. Ils ont l’air persuadés que je ne suis pas à ma place. Que je ne mérite pas de prendre la relève. Mais j’en suis capable. J’en suis certaine. Jour 4 – Entrée n°2 – Suis-je réellement digne de confiance ? Ils ne m’adressent toujours pas la parole et sont de plus en plus distants. C’est comme si ils m’évitaient pour éviter de me dire quelque chose par accident. Qu’ont-ils à me cacher pour que je sois à ce point exclue ? Je suis leur directrice pourtant ! Enfin, il faut croire que rien n’est encore officiel. La mort de ma mère ne semble même pas l’être. Après tout, elle est juste portée disparue jusqu’à l’annonce publique. Pourquoi tardent-ils ? Qu’attendent-ils de moi ? Je n’en dors plus. J’ai passé la pire nuit de toute ma vie. Entre devoir moral, promesses et engagement à vie à cet organisme, mon esprit a de quoi travailler. Jour 6 – Entrée n°4 – Ils veulent que j’annonce moi-même la mort de ma mère. Publiquement. Et j’assumerai alors l’entière responsabilité de ma fonction. Directrice du plus haut organisme humain existant. Au-dessus des lois. Je serai la personne la plus influente de l’humanité. J’ai l’impression qu’il y a un piège. Une sorte de complot qui a pour but de me détruire. Mais dans ce cas, pourquoi auraient-ils essayé de sympathiser dès le premier jour ? Je me sens comme une intruse dans ce monde inconnu dont je prends le contrôle dès mon arrivée. Je semble être de trop. Au fond, suis-je bien là où je devrais être ? Je n’en peux plus. Jour 8 – Entrée n°6 – Je crois que je veux vraiment assumer ma fonction. Si ma mère m’a donné son rôle en hérédité, c’est parce qu’elle savait que j’en étais capable. Je lui fais confiance. Mais eux. Ils me mettent sur les nerfs à ne rien me dire, à garder leurs petits secrets. Et pour mieux me miner le moral, ils m’ont appris que j’apprendrais les circonstances de la mort de ma mère lors de mon propre discours, qui me sera communiqué quelques instants avant la conférence de demain. Cette affaire est sombre, et je crois que je me suis mise dans un sacré pétrin. J’espère pouvoir m’en sortir vivante. » Emily tenait en effet un journal de bord. C’est tout ce que j’ai pu récupérer de ce qu’elle avait écrit. En réalité, c'est peut-être les seules notes qu'elle a écrite. En relisant ces notes, je m’aperçois de son état mental fragile, et de l’épreuve qu’elle a alors traversée. Entre la mort de sa mère et sa soudaine prise de pouvoir, un manque affectif l’a surement abattue. Mais c’était une fille forte, et une excellente actrice ; ce qui lui a été très utile pour se faire respecter. Comme prévu, elle s’est rendue à la conférence publique à propos de la mort de sa mère. En réaliste, très peu de gens savaient ce que faisait réellement Mme Lawrence. Elle était d’ailleurs qualifiée comme étant la directrice de la section des relations humaines sur Harvest, où sa mission officielle était de garder un contact permanant et sécurisé avec les rebelles présents sur la colonie. La vérité était bien loin. « Il y a deux semaines à proximité de la colonie Harvest, un contact à été effectué avec une organisation non-humaine appelée Coalition Covenant d’après les données recueillies. Une longue discussion menée par Mme Lawrence a abouti à l’élaboration d’une liste de motifs péremptoires pour lesquels la coalition Covenant désire voir l’humanité se retirer de la galaxie. » La voix d’Emily tremblait sous l’effet de la surprise et de la peur. Sa déclaration avait un impact bien plus importance que ce qu’elle aurait pensé. Et ses petites questions égoïstes s’envolaient peu à peu, laissant lace à une terreur généralisée dans la salle. Elle reprit sa lecture. « Les termes de la reddition de l’espèce humaine ont été jugés inacceptable par Mme Lawrence, et c’est ce pourquoi elle sera décorée à titre posthume de la croix des colonies, pour son acte d’affront héroïque devant un combat perdu d’avance. » Cette phrase toucha Emily au plus profond de son être. Elle senti une larme perler au bord de son œil, et couler lentement le long de la joue. « En conséquence de ce refus, l’alliance Covenant est désormais un ennemi de l’espère humaine. » Elle continua d’un ton plus grave. « Harvest a été entièrement vitrifié par une flotte considérable, aucune contre-attaque n’était possible. Il s’agit d’une déclaration de guerre. » Le discours s’arrêtait là. Elle savait tout, même si elle avait encore du mal à y croire. Le silence régnait dans la salle, et les centaines de participants restaient coi devant cette annonce. L’humanité allait pour la première fois de son existence être en guerre contre autre chose qu’elle-même. « Il s’agit d’une annonce officielle ». Ajouta Emily. Ce qui eut pour effet de dissiper le silence. On pouvait alors entendre des cris, des pleurs, des exclamations de surprises, des rires… Mais sur tout els visages, Emily pouvait y lire la peur. La peur d’une fin imminente. La peur de la mort. Dès lors, les spectateurs se ruèrent sur Emily qui, toujours choquée par la nouvelle qu’elle venait d’annoncer à l’humanité toute entière, se retira dans le silence. Sa larme s’écrasa contre le sol. De toutes les choses qu’elle aurait pu imaginer quant à la mort soudaine de sa mère, c’était certainement la pire. Elle se visualisait déjà les tortures atroces que ces Covenants lui avait infligé, afin de recueillir des informations précieuse sur l’humanité, maintenant en danger. Mais par-dessus tout, s’annoncer à elle-même cette nouvelle a été un choc, et est longtemps resté comme étant la chose la plus douloureuse, le pire supplice qu’on pouvait lui infliger jusqu’alors. Qu’avait-elle fait pour mériter un tel traitement ? Pourquoi était-elle constamment mise à l’écart ici ? Martyrisée. Elle serrait dans ses bras le dossier sur les Covenants qu’elle avait reçu quelques secondes avant son discours pour une raison inconnue. Elle se retint de les jeter violement contre le sol. Mais elle préféra se mettre à dévaler les escaliers à l’arène de l’escalier en laissant derrière elle une trainée de larmes. Une fois à l’arrière, elle se mit à courir à travers le dédale de couloirs, sans trop savoir où aller. Pleurant à chaudes larmes, pensant à sa mère, à la façon dont elle a certainement été mutilée. Elle courrait de plus en plus vite, pleurant de plus en plus fort, en silence. Sans bruit. Sa vie était devenue un cauchemar, et rien au monde n’aurait pu la réconforter à cet instant. Puis elle ouvrit les yeux. Elle courrait toujours, mais de moins en moins rapidement. Comme si tout ce qu’elle avait sur le cœur s’envolait petit à petit. Au bout de quelques minutes, ou quelques secondes - son esprit était beaucoup trop embrumé pour distinguer le temps exact qu’elle a passé à fuir la réalité – elle finit par s’arrêter. Éreintée. Elle respira profondément, tentant de maitriser chaque respiration. Elle se mit à marcher quelques pas, passa devant une porte ouverte, ses dossiers à la main. Elle marcha encore quelques mètres avant de s’effondrer contre un mur, la tête dans les genoux, ses bras enlaçant son corps. Elle reprenait peu à peu ses esprits. Plus rapidement qu’elle ne l’aurait voulu. Elle sortit de sa bulle protectrice, releva la tête et perçut une voix suppliante résonner dans le couloir. -Attendez ! Ouvrez ! Ouvrez ! Ma voix réveilla Emily, qui se releva doucement, s’aidant de ses mains pour garder son équilibre. Elle était encore secouée de sanglots, et avait du mal à se reprendre. Elle retomba une première fois, puis une seconde fois. C’est au bout de la troisième tentative qu’elle réussit enfin à se stabiliser. -S’il vous plait ! Suppliais-je Elle se mit en quête de la source de cette supplication. Sans le savoir, elle avançait vers un fou. Plus elle avançait vers moi, plus son pas était sûr. Ses larmes se séchaient et un rythme respiratoire plus régulier reprenait son droit. Après tout, c’était elle la directrice maintenant. Elle avait effectué toutes les tâches qui lui incombaient, et elle se sentait en mesure de faire honneur à sa mère. Sa mère qui avait placé sa confiance en elle. Sa mère qui était morte de la main des Covenants. Elle comptait bien la venger. Montrer à ces aliens que l’on ne prive pas les humains de leur famille aussi facilement, et que les conséquences sont lourdes. La vengeance. Voilà ce qui permettait à Emily de tenir debout, et de s’avancer vers moi. Vers son funeste destin. C’est là que nos chemins se croisent pour la première fois. C’est là que commence le récit de sa mort. Elle était à présent devant la grande porte de fer qui marquait la dernière séparation entre elle et moi. Une barrière qu’elle seule pouvait franchir. Et elle en avait la clé. L’homme qui surveillait la cellule ne savait pas trop quoi faire, et dans le doute, il la lui donna. La clé était d’un noir mat oppressant, robuste et complexe. Elle n’avait jamais vu une clé aussi élaborée de toute sa vie. Elle l’observa ainsi un long moment, se demandant si son acte allait l’exclure encore plus du monde. Elle avait peur du regard des autres. Et en bonne actrice, cela se comprenait facilement. -Je vous en prie ! Répondez-moi ! Ma voix la redynamisa. Comme si elle lui donnait de la force. -S’il vous plait ! Pleurais-je alors. Jamais je n’avais été aussi effondré de toute ma vie. Si proche du but, et pourtant, cet obstacle qu’était la porte, m’empêchait d’atteindre mon but. De pouvoir enfin la voir, lui parler, lui poser des questions. Lui dire à quel point de l’aimais. Le cliquetis de la serrure résonna dans le silence du couloir. Je me tus. Emily enfonçait la clé dans le verrou, et tournait lentement la clé, comme si elle avait peur de libérer un monstre. Elle n’avait peut-être pas tort. Le bruit sourd, significatif que la porte était déverrouillé, se répercuta en écho dans nos deux corps respectifs. D’un côté il y avait le mien qui n’espérait que pouvoir arranger un rendez-vous avec elle. Je ne savais pas encore que c’était elle, en personne, derrière cette porte. En train de l’ouvrir avec prudence. La curiosité d’Emily était encore plus dangereuse que mon amour pour elle. Elle se demandait qui pouvait bien supplier de la sorte, et dans son élan de bonté, voulait l’aider. La porte s’ouvrit à demi. Je reculai, vers mon fauteuil. J’allais avoir ma chance avec cet homme. Ma chance pour enfin voir Emily. Je voulais faire bonne impression, plus qu’avant. Puis enfin l ‘ouverture était pleine. Je tombai sur ma chaise inconfortable. Elle me regardait, sans dire un mot. Son regard croisa le mien. Ses yeux verts se plongèrent dans les miens, me mettant à nu. J’aurais pu mourir à cet instant que je ne l’aurais pas senti. Pour la première fois de ma vie, elle me regardait enfin. Nos regards se soutinrent. … Puis je détournai le regard. Je devais rêver. Emily quant à elle était étrangement immobile. Comme si elle se remémorait une scène affreuse. Elle me regardait comme un monstre, et peut-être aurait-elle dû continuer, et fuir, plutôt que de s’approcher lentement du fauteuil, pour venir s’y installer. J’aurais pu fuir, puisque la porte était ouverte… mais mon amour pour elle était plus important que ma propre intégrité mentale. Quoique. [ancre=c6] Chapitre sixième A parraître Lien vers le commentaire
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