On ne va pas se cacher qu’il y a peu à se mettre sous la dent dans l’univers Halo ces derniers temps. Avec l’abandon des mises à jour narratives de Halo Infinite, l’année 2024 n’a été rythmée que par la sortie de Halo : Epitaph (que nous recommandions) et d’histoires courtes régulières dans le format Waypoint Chronicles, traduites sur le WikiHalo.
2025 ne s’annonce pas spécialement active non plus, mais aura vu la sortie de Halo : Empty Throne, le premier livre de Jeremy Patenaude, figure centrale du développement de l’univers entre 2008 et 2023. Et si un seul roman ne peut faire redémarrer le moteur d’une série tournant au ralenti, la patte narrative d’un auteur amoureux de Halo peut certainement entretenir la flamme du fan hardcore.
La critique ci-dessous porte sur un livre indisponible en français. Elle contient des spoilers dans sa deuxième partie, qui seront signalés.
Informations commerciales
Ces informations sont publiées en date du 13/04/2025 et peuvent être amenées à évoluer avec le temps.
Date de sortie : 18 février 2025
Disponibilité : Neuf
Site conseillé : Amazon (physique), Blackwell’s (physique), Kobo (numérique)
Prix conseillé : 18 €
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La première chose qui frappe dans Empty Throne est son ambiance si familière pour le fan qui se souvient encore des émotions que lui a procurées la première lecture de Halo : La Chute de Reach (dont une réédition avec traduction révisée est d’ailleurs paru l’année dernière chez 404 éditions). Empty Throne reprend une méthode narrative classique en changeant de personnage à chaque chapitre, mais contrairement à l’autre exemple le plus récent (Outcasts en 2023) ces changements ne servent pas seulement à donner le point de vue d’une autre faction, ils représentent également une autre vision du même champ de bataille. On suit ainsi principalement quatre personnages : un membre des Lames de Sanghelios, un Spartan, et deux personnages portant chacun un lourd héritage : une capitaine de vaisseau de l’UNSC et un chef de guerre des Parias.
Ces dernières années, sous l’impulsion de Troy Denning et Kelly Gay, les romans Halo ont mis en scène une action tactique et réaliste, suivant un petit nombre de personnages dans des histoires centrées, si ce n’est sur un endroit et un moment, sur un objectif très spécifique. Empty Throne se veut plus explorateur : il couvre une période d’environ deux mois sur une dizaine de planètes. Cette variété, de même que la convergence de l’histoire vers une planète en particulier et un événement cataclysmique qui s’y déroule, rappelle de nouveau La Chute de Reach. Et comme le premier roman, Empty Throne nous propose autant d’action sur la terre ferme que dans l’espace, avec des affrontements dantesques entre vaisseaux spatiaux. Le feeling très traditionnel du roman se perçoit aussi dans son MacGuffin de nature Forerunner (assumé par l’auteur en interview), mais Empty Throne y connecte un de ses personnages de manière suffisamment viscérale pour qu’on en roule pas autant des yeux que, par exemple, dans Halo : Last Light. Ce MacGuffin est également bien préparé pour avoir une place dans de futures histoires.
La connaissance poussée de l’univers Halo que possède Jeremy Patenaude grâce à son ancien poste chez 343 Industries (maintenant Halo Studios) ne se retrouve pas que dans la structure de l’histoire, mais aussi dans le florilège de détails qu’il amène et développe dans le récit. Des personnages que nous n’avions pas vus depuis dix ou vingt ans font un retour triomphal, et de nombreux détails deviennent plus développés dans l’une ou l’autre des divagations que s’autorise le récit. Le passé de la saga se mêle élégamment avec son présent, puisque Empty Throne croise les événements de la cinématique d’introduction de Halo Infinite, et dévoile leur impact sur le reste de la galaxie. Sur ce point, Empty Throne est donc le premier roman Halo à réellement tisser des liens entre l’histoire très indépendante de Halo Infinite et le reste de l’univers (puisque The Rubicon Protocol, traité dans nos reviews, était également confiné au Halo Zêta).
Vous avez donc compris que le mot-clé ici est « variété », ce qui est une épée à double tranchant. D’un côté, les fans de l’univers seront ravis d’avoir leurs souvenirs d’anciennes lectures ravivés, et l’univers en est plus vivant que jamais. De l’autre, une histoire se doit d’avoir un début et une fin, en créant des confrontations d’intérêt pour ses personnages et sans perdre le lecteur entre les deux. Une profusion de personnages implique que chacun a moins de place pour grandir dans le récit, ce qui est probablement ce qui laissera le plus le lecteur ou la lectrice d’Empty Throne sur sa faim. Les intéressés devront également se préparer à affronter un livre substantiel pour la licence : avec 512 pages chez Gallery Books (aux États-Unis) et 496 chez Titan Books (au Royaume-Uni), Empty Throne est le deuxième plus long roman Halo, derrière le mastodonte Halo : Dicata mortels (traduit en français chez Milady en 2016), ce qui nécessitera un peu de persévérance, bien que le déroulement de l’intrigue soit clair et la tension constante.
La section sans spoilers de cette review se conclut ici. Ceux qui voudront garder le suspense sur les personnages et situations peuvent cliquer ici pour aller directement à la conclusion.
Les paragraphes suivants vont parler plus en détails des personnages et du rôle du roman dans l’univers Halo, ne continuez pas si vous voulez préserver la surprise sur l’identité des protagonistes et les événements qui les attendent.
Parlons d’abord de Tul ‘Juran, également appelée « L’Héritière » (« the Scion« ), que les lecteurs de Shadow of Intent (sorti en 2015, non traduit) reconnaîtront. Comme Zuka ‘Zamamee en son temps dans Halo : Parasite, la jeune guerrière est motivée, voire consumée par la vengeance. Mais contrairement à ‘Zamamee qui agissait seul (avec l’aide réticente de Yayap), l’Héritière existe dans une galaxie où les Élites combattent côte-à-côte avec une espèce qu’elle apprécie peu, les humains. Dans Shadow of Intent, ‘Juran permettait surtout d’apporter de la variété à l’action, puisqu’elle privilégie le combat au corps-à-corps, mais Empty Throne se préoccupe beaucoup plus de suivre son assagissement. C’est en effet tout autant au contact de ses pairs que des humains que l’Héritière apprend par l’exemple que si la vengeance se mange froide, c’est parce qu’il faut survivre pour pouvoir s’attabler. La mort d’un de ses jeunes pairs, la préoccupation paternelle de son commandant de vaisseau, la détermination démontrée par ses camarades humains durant ses missions à leurs côtés et la trahison de son mentor contribuent à faire ressortir ‘Juran meurtrie, mais grandie.
Ce roman ne sert malgré tout que de première partie à l’évolution du personnage de l’Héritière. Lorsque la poussière retombe sur les ruines de Thyrren, et que ‘Juran est battue, trahie et malgré tout prête à donner sa vie pour deux camarades d’espèces différentes, sa vengeance n’est pas encore accomplie. Il reste donc encore des choses à dire sur l’un des premiers personnages covenants féminins de l’univers Halo.
Vient ensuite Severan, chef de guerre des Parias qui se retrouve à la tête de toute la faction par intérim, pendant qu’Atriox se concentre sur le Halo Zêta. Severan est probablement le personnage le plus marquant du roman grâce au contexte et aux rebondissements qui l’entourent : on apprend d’abord qu’il s’agit du fils de Tartarus lui-même, puis ensuite qu’il est en réalité un agent infiltré d’une faction héritière de l’Alliance Covenante, et qu’il se trouve aux ordres du Prophète Dovo Nesto.
Faisons une courte parenthèse pour parler de la possibilité d’un retour de l’Alliance Covenante dans l’univers Halo : si les sectes héritières de cette factions se sont multipliées sous 343 Industries et que les Prophètes n’avaient jamais totalement disparu grâce à Shadow of Intent en 2015, c’est réellement avec l’histoire bonus de Shadows of Reach en 2020, puis Divine Wind l’année suivante qu’un retour de la véritable Alliance avait fait son chemin. Empty Throne ne confirme cependant pas encore que l’univers est définitivement engagé dans cette voie, se contentant de mettre en scène un nouveau Prophète, et de mentionner une nouvelle fois la planète où se cachent les derniers survivants de son espèce. La nostalgie serait certainement un moteur de la résurrection de l’Alliance, mais ce serait également là une forte proposition de la part de Halo Studios pour cadrer le futur de l’univers sous l’augure des interactions de quatre factions principales, avec la richesse narrative que cela autoriserait : l’UNSC, les Parias, l’Alliance Covenante, et le Parasite (si on se laisse à penser que les teasers constants dans les Waypoint Chronicles porteront leurs fruits).
Revenons à Severan, dont le personnage est probablement le plus dynamique de l’histoire puisque c’est sa dévotion aux Prophètes qui est mise à l’épreuve, et finalement brisée pour renouveler son ambition au sein des Parias. Dovo Nesto encapsule en effet à l’extrême le rôle des Prophètes dans l’univers Halo de Bungie : des êtres physiquement faibles, mais dotés d’une capacité presque surnaturelle à exploiter la foi et l’ambition d’autres espèces à leurs propres fins. Nesto est indissociable de Severan dans Empty Throne, tous deux formant au début un duo entre manipulateur et manipulé, pour finir sur une relation entre chasseur et chassé. Severan lui-même est moins unidimensionnel : dans sa quête inspirée par son père, il adhère à une variété de principes, compatibles autant avec l’Alliance qu’avec les Parias, ainsi que son propre clan, qui aura l’occasion dans l’histoire de démontrer à son chef. Severan adopte enfin une apparence singulière à l’issue de l’histoire, ce qui en fait un personnage tout désigné pour réapparaître dans le futur, on l’espère avec un nouvel arc narratif tout aussi léché.
Parlons maintenant du personnage le plus surprenant du roman : James Solomon. Ou plutôt James-005, puisque c’est le retour triomphal de ce Spartan-II que l’ont pensait disparu depuis le premier roman, lorsqu’il était tombé de la station Gamma en orbite de Reach, condamné à dériver dans le vide de l’espace. Depuis la Trilogie Kilo-5 de Karen Traviss, les auteurs des romans Halo ont traité les Spartans-II sous deux angles : comme figures héroïques (comme la Gray Team dans Halo : Envoy), ou comme figures tragiques (comme Naomi-010 dans Halo : Dictata mortels). James se place dans cette deuxième catégorie, et Patenaude se permet même de l’appairer à une figure qui va décupler son potentiel symbolique : Chloe, le premier clone de Catherine Halsey. Introduit dans les éditions spéciales de Halo : Reach et réexploité dans Shadows of Reach et Halo Infinite, le principe des clones de Halsey, qui ont donné naissance à Cortana puis à l’Arme, reprend ici du service, renforcé dans sa proposition par une connexion narrative avec un certain personnage de la Trilogie Kilo-5.
Au cours de leur fil narratif, les convictions de la petite fille lui font tenir tête à un Spartan profondément meurtri par l’ONI, l’éternel semi-antagoniste insidieux de l’univers Halo. La mission de James étant en essence d’amener Chloe à son autel sacrificiel, il se retrouve ainsi dans une position qui aurait pu être celle de la vengeance : les Spartans-II, enfants sacrifiés par Halsey pour le bien de l’humanité, sacrifiant maintenant une jeune Halsey dans le même but. Mais il se trouve que nos super-soldats, au moins depuis Halo 4 et le fameux « Non, chef » du Major à un supérieur, sont aussi sauveurs de l’humanité par leur intégrité morale. James est torturé par la confrontation entre le bien de l’individu et le bien commun durant tout le récit, et c’est une rencontre avec ses confrères et consœurs de la Gray Team qui va le motiver à franchir le pas et dire « Non, chef » à sa manière.
Le trio de la Gray Team sert dans ce roman à créer de bonnes scènes d’action, mais aussi d’élément déclencheur pour la progression d’autres personnages. Outre James, leur esprit d’équipe et leur professionnalisme aura également un impact sur l’Héritière. Chloe, bien qu’elle soit représentée sur la couverture, tombe dans le même rôle de personnage facilitateur puisqu’elle ne présente pas elle-même d’évolution particulière, compensant avec une personnalité bien trempée. Puisqu’elle survit à l’histoire d’Empty Throne, il s’agit d’un autre personnage à garder en tête étant donné son immense potentiel pour le futur de la série.
En parlant de la couverture du livre, créditée à Will Staehle d’Unusual Co., on tient probablement ici la pire de toute l’histoire des romans Halo, devant même le fade portrait de Halo : Oblivion. Les couvertures Halo entrent généralement dans une de trois catégories : des personnages prenant une pose d’action (comme pour les trois premiers romans), les panoramas spatiaux (introduits avec la Trilogie Forerunner), ou un personnage hautement stylisé (avec d’abord Halo : Evolutions). Celle d’Empty Throne n’entre dans aucune de ces catégories, représentant le Lithos pesant sur James et Chloe, un duo à l’apparence bien curieuse. Le bleu néon tape-à-l’œil et la construction purement géométrique auraient pu avoir un intérêt pour une histoire plus expérimentale, comme l’a fait Saint’s Testimony, mais l’histoire nous embarque dans une aventure, et cette couverture ne nous y invite pas particulièrement. On se tournera plutôt vers Halo : Envoy pour un exemple de couverture stylisée qui aura réussi son invitation au voyage.
Abordons pour finir Abigail Cole, fille du très célèbre vice-amiral Preston Cole. Malgré son immense potentiel, il s’agit du protagoniste le moins intéressant du roman, pouvant presque entièrement se résumer au rôle de double outil narratif : pour créer un rival à la fois thématique et militaire à Severan, et pour justifier l’inclusion des scènes de bataille spatiale. Comme Severan, Cole est hantée par son père, mais d’une toute autre manière puisque Abigail ne souffre pas de sa filiation. C’est plutôt l’absence de celui-ci, et le fait que les raisons de sa disparition soient inconnues, qui la préoccupe. Les trois confrontations entre Cole et le Heart of Malice de Severan, nous offrant chacune des scènes passionnantes, sont pour la capitaine des occasions de se prouver à elle-même qu’elle est digne de ce père dont elle aimerait tant qu’il la félicite.
Cette tension ne sera pas résolue de façon significative dans Empty Throne. Il y a bien une scène finale où la fille parle à son père lors d’une vision, mais elle laisse plus l’impression que Patenaude ne savait pas trop comment conclure ce fil narratif. La bonne nouvelle est donc qu’Abigail Cole reste un personnage à développer dans un futur livre qui contiendra donc nécessairement des scènes de bataille spatiale. Et il n’en faut pas plus pour contenter un vieux lecteur des livres Halo.
De vieux lecteurs qui seront au passage ravis de voir les identités de Codename : SURGEON et Codename : COALMINER enfin révélées, arme ultime utilisée par Patenaude dirigée contre les fans de l’univers. Deux identités elles-mêmes soigneusement connectées à de vieux fils narratifs qu’on aurait pu croire enterrés, remis au goût du jour pour notre plus grand plaisir, et que je n’ai pas le cœur de spoiler ici.
Pour le résumer en une formule, Empty Throne est l’image d’Épinal d’un roman Halo : des scènes de science-fiction mémorables, une profusion de fils rouges, une bonne proportion de personnages aux propositions narratives d’intérêt, et quelques défauts pour se rappeler qu’on fait assez peu de chef-d’œuvres de littérature avec une série de jeux vidéo. Ce n’est d’ailleurs pas pour ça qu’on lit les romans Halo, mais pour vivre une aventure dans un univers fort de plus de vingt ans d’histoires (et avec un peu de chance encore vingt ans d’histoires à venir). Sur ce point, l’objectif d’Empty Throne est atteint, entre son nombre de pages et l’ambition de son univers.
Car Patenaude ne se contente pas d’utiliser des détails passés comme colle pour faire tenir son récit sur le reste de l’univers comme Kelly Gay ou Troy Denning l’ont fait, ce qui pouvait faire sourire mais pas impressionner. L’ex-gardien de l’univers ne démontre ainsi pas uniquement une connaissance encyclopédique de l’univers, mais aussi une compréhension de la manière de les assembler pour créer une fresque plus significative que tout autre roman qui ambitionnait de s’intégrer dans l’univers de Halo.
En reste une expectative aussi inquiétante qu’excitante : l’univers se montrera-t-il capable à l’avenir de soutenir une telle transversalité temporelle, ou le filon est-il près de se tarir après vingt-quatre ans d’exploitation ?
L’avis de Lunaramethyst :
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encore un roman qui mériterait d’être traduit !
ou est-ce que ça en est avec 404 éditions ?